On ne réfléchit jamais assez. Tiens, la géographie….demande
autour de toi.. Tout le monde pense que la géographie est la science du stable.
La Terre, sous nos pieds est stable, quasi immuable. Moi même, en plus formé à
la cartographie, j’ai ce truc derrière la tête : la Terre ne bouge pas.
Enfin, pas trop et dans des échelles de
temps qui ne nous concernent pas.
Dans la réalité, la géographie est une science du mouvement.
Tu dois connaître la Terre pour t’y mouvoir, en connaître les voies et les
passages. Ce n’est pas un hasard si le développement de la géographie est concomitant
du développement des chemins de fer et si l’explosion du tourisme crée l’explosion
du marché des cartes. Les géopoliticiens devraient y réfléchir et réintroduire
le mouvement dans leur réflexion. Il est vrai que les techniques modernes
semblent supprimer les frottements triviaux qui gênent les déplacements. Cependant,
ils sont toujours là et on n’a pas fini de voir des bouchons dans le couloir
rhodanien : un couloir n’est pas fait pour la vitesse. De même, tout
militaire étudie encore la politique des détroits.
On le voit bien avec l’écologie, petite sœur de la
géographie qui passe son temps à enregistrer des changements. L’étude du vivant
est l’étude des déplacements. Quand le vivant est stable, c’est qu’il est mort.
Ce n’est pas très confortable. Tu t’habitues à un état des
lieux et voilà qu’il change. Dans ta tête, il y a la vieille opposition entre
Nature et Culture. Dans ta tête, la Nature est fixe et la Culture changeante.
Dans ta tête, il y a la Genèse, Dieu qui fait le monde et l’homme qui le change
avec l’approbation divine.
Ce que tu ne veux pas voir, c’est que le pouvoir de décision
de l’homme, sa Culture, est déterminé par la Nature. Determiné, c’est à dire
limité, entravé, immobilisé souvent, magnifié parfois. Avec Lacoste, la
géographie s’est libérée du finalisme et on ne peut plus dire que l’art
gréco-romain est fils du calcaire.
Ici, en plein Pays basque, la cathédrale est de style
champenois. C’est normal. C’est ici qu’on franchit le mieux les Pyrénées, les
palombes me l’ont dit. Et donc, l’architecte champenois qui va chercher du
boulot en Espagne, il passe ici. Ce qui fait la cathédrale, c’est une voie de
passage et un grès de bonne qualité, des éléments bien triviaux.
Et si on inversait le paradigme ? Si on inventait une
géographie du mouvement ? Si on perdait quelques mauvaises habitudes,
comme l’insularité, cette insularité bien pratique comme explication naturelle
à des phénomènes culturels. L’insularité n’isole pas. L’Angleterre, comme le
Japon, est traversée d’influences externes, culturelles, artistiques, idéologiques,
politiques. Simplement, pour les atteindre, on ne franchit pas un col mais un
détroit.
Pour un vieux cartographe, le GPS est un sujet d‘interrogation.
La cartographie en est médiocre, la légende insuffisante, mais il bouge. Sa
crédibilité réside dans le mouvement, attitude magique qui renvoie à un deus ex
machina lequel me positionne bougeant.
La géographie est mouvement.
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