jeudi 12 décembre 2019

LE BOTTIER ET LES ESCROCS

J’avais un copain…. Bottier, il était, à l’ombre de la Cathédrale.

J’avais des chaussures que j’aimais bien. Mais un peu fendillées.

En toute logique, j’apporte les chaussures au bottier. Qui jette un coup d’œil rapide et énonce son diagnostic. « Foutues. Irréparables. C’est du poulain. »

Wow….Je monte dans les tours….Je râle, j’éructe, je vocifère. Le bottier me sert un café. C’est un bottier qui sait vivre.

« Tu t’es pas fait baiser. Tu as acheté des chaussures en cuir. En cuir de poulain. Et tu fais pas la différence. T’étais chez un chausseur de merde. Il aurait pu te dire que le poulain…. » Trois cafés plus tard, j’y étais encore, à prendre un cours sur le cochon dont le cuir…., les ovins qui….., le boeuf bof…..

« T’en trouveras que chez les Chinois ; mais le chien, c’est bien ». Ça je savais, à cause des pelotes. Parce que la godasse, faut pas croire, c’est idéologique et même religieux. Pas de hallouf dans les usines maghrébines. Bon, y’a des trucs que je connaissais grâce aux reliures….le vélin bien lisse, bien présentable, le maroquin qui supporte la teinture. Mais, preuve de ma stupidité, je n’avais pas fait le lien avec les chaussures.

Conclusion : cuir c’est con. Faut connaître la bête. On y a bien passé une heure. Sans travaux pratiques.

Mais le bottier, sans le dire, il m’a donné à penser. S’il faut savoir tout ça pour acheter des écrase-merdes, que ne faut il apprendre pour un manteau ou un chapeau ? voire un appareil culinaire ? Jusqu’à un temps pas si lointain, le commerçant informait, mettait en garde, expliquait. Puis est venu le temps des « études commerciales », ce fourre-tout où on t’explique que l’essentiel  n’est pas le produit mais la façon de le vendre et que tu peux passer du café au foie gras, vu que c’est pareil. Aujourd’hui, on dit « force de vente », et c’est encore pareil. J’y pensais en regardant des offres d’emploi pour vendeurs où on ne dit pas quel est le produit. On demande du sourire, de l’empathie, de la disponibilité…. On n’a pas fini de se chausser avec du poulain, tu peux me croire.

Mais le pire n’est pas là. La théorie du ruissellement fonctionne aussi avec le manque de savoir. On appelle ça la formation professionnelle.. Tu prends un paquet de cancres impliqués dans une profession dont ils ignorent tout…Ou un paquet de cancres désireux de faire carrière dans une profession pour des raisons irraisonnées… Tu les colles dans un institut privé, largement financé par des crédits gouvernementaux. Tu leur expliques qu’en trois semaines ils vont rattraper trois ans de non-travail. Et tout le monde y croit. J’ai eu à participer à des jurys pour de telles formations afin de valider l’effort exceptionnel des formateurs. Candidats pathétiques, enseignants paniqués. « Vos questions sont à un niveau trop élevé. Revenez au réel. » Trop élevé ? Tu parles…. Je demande à un candidat BTS Tourisme de me donner les dates de la mousson en Asie du sud. Ne pas envoyer des pax sous la mousson, c’est bien le minimum….. Mais non, c’est trop élevé…

Mais pour ce niveau, l’Etat paye….De plus en plus…. J’ai entendu un ministricule débile s’en féliciter…. Alors que la formation professionnelle des adultes n’est rien d’autre que l’aveu que la formation des gosses a été un échec. Alors, on te sort une bouillie psycho-machin pour t’expliquer que c’était pas le moment, que le gonze ou la gonzesse a évolué, qu’il a trouvé sa voie et blabli et blablo. Mais dix ans après sa calamiteuse scolarité, ses neurones n’ont pas poussé sous la douche, son QI est le même et sa paresse naturelle n’a pas disparu.

La formation professionnelle est une gigantesque escroquerie. J’ai connu quelques boites exceptionnelles, émargeant aux budgets sociaux qui faisaient vivre des enseignants incapables d’enseigner confrontés à des élèves incapables d’apprendre.


On en reparlera….

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