jeudi 2 janvier 2020

LES DEUX MERCENAIRES

J’avais, en son temps (février 2012), épinglé Carlos Ghosn et sa stratégie industrielle. Je n’ai pas un mot à enlever. Au contraire : les choix technologiques récents des Chinois me donnent, une fois de plus, raison. Ghosn a embarqué Renault dans l’aventure électrique sans tenir compte de l’environnement mondial. Zoé a vécu et Renault ne le sait pas encore.

J’écrivais : « L’erreur de Ghosn, c’est de sous-estimer l’adversaire ». Il en a donné la preuve avec Nissan. Comment qu’ils l’ont démoli les cadres aux yeux bridés. Quant la justice l’a saisi, les dossiers étaient prêts, nickel, les juges n’avaient qu’à piocher. Le PDG libanais inaltérable n’avait pas seulement sous-estimé l’adversaire : il ne l’avait même pas identifié. Dans le bureau à côté. Et pendant que les Nippons frappaient, les Chinois de Dong Feng embauchaient chez Peugeot Carlos Tavares, son dauphin désigné. Billard a trois bandes.

Faut dire que Ghosn est une caricature de dirigeant mondialisé. Né au Brésil, élevé au Liban, employé par la France, il oublie systématiquement la dimension nationale. Pour un spécialiste de l’Asie où cette notion est fondamentale, c’est ballot. Je l’écrivais, il y a près de dix ans : « Au nom de l’indépendance et de la fierté nationale. Seulement voilà : pour un capitaliste occidental, ces notions sont obsolètes. » Le Ghosn, il avait trois passeports officiels, comment tu veux qu’il s’y retrouve ?

Le premier qui me traite de ringard, je l’invite à regarder le monde autrement qu’avec les lunettes du MEDEF ou de LREM. Le monde prétendument mondialisé est une vaste plaisanterie. Tous nos concurrents sont organisés en nations, des vraies, avec un sentiment national déconnecté des Jeux Olympiques. Les Nippons, ils ont commencé à s’énerver quand Ghosn a menacé Nissan. Mais, me dit un stupide, il avait sauvé Nissan. Oui. Avec un gros paquet de fric qui lui a permis de payer et d’abandonner dans sa fuite une caution de 14 millions de dollars. Ce qui permet de rappeler que Ghosn est un mercenaire. Un domestique. Un domestique riche du pognon qu’il a piqué à ses maîtres.

Je déconne ? Ghosn, employé par Renault, dont l’actionnaire principal est l’Etat (toi, moi, nous) a fait de Renault, fleuron exportateur, un importateur d’automobiles. La balance commerciale de la France, il n’en avait rien à foutre : son salaire était indexé sur les résultats de Renault, pas sur les résultats de la France. Nous l’avons accepté. Nous nous sommes vautrés dans le discours libéralo-mondialiste servi par nos dirigeants et la presse stipendiée. Les mêmes journalistes qui détaillent avec gourmandise les avoirs de Carlos Ghosn, résultat de son activité mortifère pour notre pays.

Mondialiste, ma non troppo. Quand il s’évade il retourne au Liban, dans son pays, dans sa famille, pays qui va le protéger et protéger sa montagne de fric piquée à Billancourt et autres lieux. Il fonctionne à deux vitesses, le Levantin. (Ce n’est pas une injure, c’est ainsi qu’on désignait le Liban avant qu’il ne se constitue en nation). Comme la chauve-souris dont il a la tête : un coup rongeur, un coup oiseau.

Macron aime bien les domestiques ; le même jour, on apprend qu’un incertain Cirilli, énarque, vient d’être élevé au rang d’officier de la Légion d’Honneur, pour services rendus au capitalisme américain. C’est la prime à la désertion. Le mec, après des études payées par l’Etat français, une carrière dans l’administration française où il a pu se perfectionner et augmenter son  carnet d’adresses, est allé se mettre au service d’un groupe financier américain qui rêve de dépouiller les caisses de retraite françaises. Pour moi, ce mec est un déserteur ; la guerre actuelle est économique et un officier supérieur qui passe au service de l’ennemi relève du Conseil de Guerre et des fossés de Vincennes.
C’est pas le seul ? Pas grave, les fossés de Vincennes sont larges. Les Américains ne sont pas un ennemi ? Relis De Gaulle et regarde les « sanctions » dont Trump nous menace comme un instituteur face à un élève de CP.

Mon copain Benoit, complotiste avéré, affirme que Macron a fait diversion avec Cirilli pour qu’on oublie Ghosn. Impossible. C’est donner à Macron la stature de Machiavel alors qu’il a le QI d’un moineau. Le coup de Cirilli, c’est trois semaines de grève en plus et une balle dans le pied. Les deux mercenaires se répondent de part et d’autre de Mare nostrum. Les sommes en jeu justifient toutes les colères, toutes les exactions. Macron a choisi son camp. Deux fois. Et fait monter la haine.

Il faudra que le réparateur de Peugeot qui lui sert de Ministre de la Culture lui souffle que les mercenaires, ça va par sept quand on a du talent.

Mais ce Président quand tu lui parles de talent, il pense à des multiples de trente. Le prix de la trahison.


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