mercredi 14 septembre 2022

FRANCOCIDE

 J’aime bien le mot :  francocide, même si je suis farouchement opposé à sa définition. Mais Zemmour a une courte vue.

Francocide ne désigne pas l’assassinat d’un Français, mais plus généralement l’assassinat de la France et de sa civilisation. Des Français, il en meurt tous les jours depuis Clovis, ça ne change rien. La France, il n’y en a qu’une et la curée devient générale. Quand j’y pense, l’injure me vient facilement aux lèvres. Oreilles sensibles s‘abstenir.

 

Le francocide a commencé avec la Libération quand il a fallu que le CNR fasse l’union nationale pour s’opposer à la colonisation américaine que De Gaulle pressentait. L’opposition était flagrante, fondée sur une confusion qui existe encore : croire qu’un mode de vie est une civilisation ce qui revient à vider la civilisation de sa dimension historique pour lui préférer une immédiateté simplificatrice. On se ruait sur l’immonde boisson gazéifiée marronnasse avant de mâchouiller des trucs dont on ne savait rien sauf qu’ils ne fondaient pas dans la bouche. Mon grand père disait : « Si ça résiste à la salive, c’est qu’il y a un loup ».

 

Une bonne colonisation commence par l’éradication de la langue du colonisé et par le remplacement des objets du quotidien. Ainsi procédèrent les Romains avec nos ancetres les Gaulois. Tuer le français, c’est tuer la France. Le francocide git dans l’écriture inclusive mais plus encore dans les innombrables modifications que l’on impose à la langue au quotidien comme ce « coach » qui a remplacé le bon vieil « entraineur », sans nécessité aucune. Parler la langue du colonisateur, c’est se mettre entre ses mains mais c’est aussi accepter son monde et son mode de pensée. Les Américains le savent bien, leurs linguistes l’ont théorisé.

Les vêtements font partie des objets du quotidien. Quand les Gaulois ont abandonné leurs braies pour la toge, leur destin était scellé. La France a laissé le tricot de corps pour le T-shirt, compagnon de route du blue-jeans lequel a même abandonné sa francité. Sa couleur, le bleu de Nimes, est devenue denim sans la moindre réticence.

 

Le plus grave, à mes yeux, est l’abandon de la qualité pour la quantité. L’économie fançaise était connue pour son appétence pour le luxe. Il ne s’agissait pas de valeur mais de rareté.La société française traditionnelle valorisait le produit et chacun, même pauvre, avait ses fournisseurs favoris où trouver ce qu’on ne trouvait pas partout et dans les limites d’un budget parfois restreint. Le luxe n’est pas ce qui est cher mais ce qui est rare. Nous vivions dans une société à l’opposé de la société du colonisateur. Dans les plaines du Midwest, les commerces sont aussi rares que les agglomérations et les distances conséquentes. On y a donc inventé le drugstore puis le centre commercial afin d’y organiser l’abondance. Le modèle était inutile en Europe où il y a des épiceries tous les vingt kilomètres. Comme était inutile l’agriculture extensive et mécanisée. Année après année, le modèle américain s’est imposé avec d’inutiles outils statistiques.

 

La pensée quantificatrice a envahi tous les domaines, y compris la biologie et la médecine où la quantité pertinente est UN. Avec UN patient, Broca a découvert l’aire qui porte son nom, Pasteur a vérifié la justesse de son sérum anti-rabbique et une boite de Pietri a suffit à Fleming pour découvrir les antibiotiques. Tous les prétendus systèmes de contrôle et de vérifications ont été inventés pour déceler les fraudes, inévitables quand la quantité s’invite à la table de la pensée.Tous les problèmes que l’on découvre aujourd’hui découlent de cette pensée qui est inhumaine, au sens étymologique du terme. Le costume géographique des USA est trop grand pour la vie européenne.

 

Trop grand aussi le public. Les médias n’existent que par la quantité de leur auditoire ce qui entraine inéluctablement la paupérisation du vocabulaire et de l’information qui en découle. A vouloir parler a tous, on ne parle plus à personne, sauf à simplifier à l’excès. La simplification est devenue une règle et avec elle l’inévitable destruction culturelle. C’est sans conséquence car le dollar est devenu l’unique mesure, l’instrument universel de réification puisque, in fine, tout n’existe que par les bilans. Meme s’ils sont truqués.

 

Zemmour n’ira jamais jusqu’au bout d’une réflexion. Issu d’une école d’administrateurs, il pense administrer sans réfléchir puisqu’il décide seul des objets de l’administration, et donc de la réflexion. Il a choisi pour boussole l’immigration assimilée à un remplacement en évitant soigneusement d’imaginer que le remplacement pouvait venir des amis ou prétendus tels. Il a besoin d’ennemis, simplement identifiables et acceptables. Et donc, il se trompe d’ennemis. L’empathie a toujours été la marque des escrocs.

 

 

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