mardi 22 janvier 2013

LE WEEK-END MAUDIT

Grève des instits. Précédée d’une réunion des parents sur la réforme des rythmes. Salaud de Peillon !

Vous l’avez peut être pas remarqué, mais la réforme des rythmes, c’est un truc récent. De Jules Ferry à René Haby, y’avait qu’un rythme. Ecole le lundi, le mardi, le mercredi, le vendredi, le samedi, repos jeudi et dimanche. Vacances du 14 juillet au 1er octobre. Ça a marché 100 ans à la satisfaction générale.

Pourquoi ça marche plus ? Les enfants ont-ils changé ? Non, bien entendu. Je veux dire biologiquement et le problème des rythmes, c’est biologique.

Ça marchait parce que c’était un rythme de civilisation rurale. On allait en vacances du début des moissons à la fin des vendanges, peu ou prou. On bossait le samedi qui est un jour comme les autres.

La population s’urbanisant, il a fallu urbaniser les rythmes. Repos le samedi. Pourquoi ? Pour permettre aux parents d’aller en week-end. Du coup, jeudi devenant mercredi. Logique : travail deux, repos un, travail deux, bien symétrique. En fait, on a cassé un système fait pour les ruraux pour permettre aux parents de jouer aux ruraux. Le citadin, c’est ça. Le beurre et l’argent du beurre. La ville quand je veux, la campagne quand ça m’arrange.

A partir de là, l’argumentation devient névrotique. Les enfants doivent… Les enfants ont besoin… S’énervent vite les parents. Bien entendu, pas un n’a lu le magnifique ouvrage de Canguilhem et Boissin sur les rythmes biologiques. Les rythmes, ils connaissent grâce à TF1 et la presse dite spécialisée. Ça suffit bien pour engueuler Delanoé.

Je n’avais aucune idée des conneries proférées. Les enfants ont besoin de grand air et donc de week-end. Hygiénisme stupide. On peut vivre à Paris, passage Choiseul et avoir une croissance normale. Pourquoi passage Choiseul ? Parce que ça a donné Céline, relisez Les Beaux Draps. Passage Choiseul le week-end, médecin et grand écrivain. Ça marche. C’est pas les enfants qui ont besoin de week-end, c’est les parents qui veulent faire comme le couillon de la pub avec son barbecue et inviter les copains à boire un rosé frelaté en bouffant des merguez calcinés. Et puis, si tu juges que tes enfants ont besoin de grand air, va vivre à la campagne.

Répétons le, après Canguilhem et Boissin. L’homme est la seule espèce animale qui n’a pas de rythme biologique spécifique. Chez l’homme, le rythme biologique est individuel. Chacun le sien, y’en a qui sont « du matin » et des qui sont « du soir », y’en a qui ont besoin de sieste, d’autre pas. C’est comme ça, chacun se démerde avec son rythme. Les gosses aussi.

C’est ingérable. Alors, on a inventé ce que Canguilhem et Boissin appellent les « zeitgebers », les donneurs de temps. L’horloge et son cousin le réveil, par exemple. L’horloge pointeuse. Les habitudes sociales : les enfants doivent être couchés à neuf heures. Toute notre vision du temps est sociale, pas biologique.

Attention, c’est pas moi qui le dit. Mais quand c’est Bernard Canguilhem, fils du grand Georges et prof de Physiologie humaine à Strasbourg et son copain Jean Boissin qui a passé trente ans au CNRS de Montpelllier à étudier le problème, c’est un peu crédible, non ?

Oui, mais FR3 dit pas ça ! Ben si tu préfères écouter FR3 que deux spécialistes mondialement reconnus, t’as le droit. Et moi, j’ai le droit de ricaner.

Et donc, quand l’organisation sociale change, le temps change. Les zeitgebers changent. On avait le soleil, on le remplace par le week-end. Et on passe de deux jours de repos (jeudi et dimanche), à trois (mercredi, samedi, dimanche). Vu que les programmes diminuent pas, faut faire en quatre jours ce qu’on faisait en cinq. Et donc, on le fait pas. C’est indémerdable. C’est surtout infaisable. Alors, les gosses rament. Tu peux raconter toutes les conneries que tu veux sur les rythmes. Si t’enlèves 20% du temps consacré à l’apprentissage, rythme ou pas rythme, ton môme, il y arrivera pas.

L’abandon de la civilisation rurale, c’est pas que les tomates en janvier et l’effet de serre lié au transport de notre bouffe. C’est aussi les difficultés scolaires, la montée des cours particuliers, les parents qui se ruent sur le privé et, in fine, l’analphabétisme qui progresse.

L’abandon de la civilisation rurale, c’est le rural dans le spectacle, Julie Andrieu qui se balade dans les réserves de provinciaux si magnifiquement authentiques, les gites ruraux où la moindre pécore communicante nous refait le coup de Marie-Antoinette au Trianon. Tiens ! on devrait y penser.

En 1788, la classe dominante jouait à se déguiser en paysans. Et si on était en 1788 ? Ce serait une sacrément bonne nouvelle.

On en reparlera…

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