mercredi 24 avril 2013

MINORIPHOBE

Faut arrêter avec tous les qualificatifs. Homophobe, négrophobe, islamophobe… La réalité est beaucoup plus simple.

La plupart des citoyens n’aiment pas les minorités. Quelles qu’elles soient. On leur a assez dit, aux citoyens, que la démocratie, c’était le pouvoir de la majorité. Et donc, ça dévalue complètement le discours des minorités. Le brave mec, il pense dans sa tête : « Mais qu’est ce qu’ils ont à venir me faire chier ? ». Il est minoriphobe.

Je suis d’accord, c’est le degré zéro de la réflexion. C’est juste une réaction épidermique. Tous ces citoyens, ils ont des copains musulmans, arabes, noirs, pédés. Mais là, c’est plus des minorités, c’est des individualités. Ils sont d’accord pour vivre avec, pour déconner avec, mais pas pour leur filer un statut autre que celui de copain. Toléré, accepté, oui. Légalisé, non.

Mais, ils réfléchissent pas !!! Non. Toi, non plus. Les conneries qu’on entend par manque de réflexion, c’est effrayant. « Le mariage pour tous n’enlève rien aux hétéros ». Ben si. Ça leur enlève leur sentiment de normalité. Parce que faut pas croire, la normalité (ou son image), ça sous-tend la plus large partie de nos réactions. Le citoyen de base, il pense que la normalité, c’est d’être blanc, plutôt chrétien, hétérosexuel et avec l’accent pointu. Cette normalité, elle va de pair avec les courses à Carrefour, le McDo avalé le samedi soir et la fourniture de céréales au petit et de croquettes au chien. Pour faire simple, la normalité, c’est le brouet intellectuel servi par la télé et les communicants. Regarde les pubs. C’est l’image véhiculée. Regarde les séries. Tiens, hier, Candice Renoir (plutôt pas mal au demeurant), y’a bien un beur et une beurette, mais c’est les moins gradés. C’est la norme.

Mais, la normalité, ça n’existe pas ! Exact. C’est juste un ressenti. Ça n’a aucune base rationnelle. C’est même pour ça que la pub surfe sur la normalité, parce qu’elle n’est pas rationnelle. Or, nous vivons dans un monde dont le rationnel est systématiquement extirpé, comme une dent cariée. Faut pas s’étonner que le ressenti domine. Et surtout, faut pas s’en plaindre. Encore moins penser que mon ressenti, c’est le bon. C’est comme ça qu’on dérape.

A ça, faut ajouter le territoire, cet endroit incompréhensible dont tout le monde se réclame sans jamais le définir. Le territoire, c’est aussi un ressenti, et même plusieurs ressentis. Ton territoire, un coup, c’est une ville, un coup, c’est un pays, ou une vallée. Ben oui. Un coup t’es du Sud-ouest, un coup t’es d’Agen, un coup t’es Français. T’as trois territoires et tu jongles avec, en fonction du contexte. Et chacun est « normal ». On en a déjà beaucoup parlé, glissons.

Dans le territoire où je vis, y’a plein de grosses minorités bruyantes. Au point que tu penses qu’elles sont quasi-majoritaires. Dans le territoire d’où je viens, y’en a moins, beaucoup moins. Y’en a des, la communauté séphardi par exemple, ça fait cinq siècles qu’elle est là, elle est fondue dans le paysage. Les musulmans, c’est plus récent, alors ils dérangent un peu. Pas trop, mais un peu. Tout ça pour dire qu’un territoire, c’est aussi une histoire, une construction et que ça remplit aussi les têtes.

Et puis, y’a les Parisiens. Minoritaires en hiver, mais bien nombreux en été. Ceux là, pour les accepter, faut changer d’échelle. Pas toujours facile. Surtout qu’on nous a collé l’Europe à avaler.

Quand ton territoire, c’est un canton, tout baigne. Pour élargir, on a eu un truc vachement bien : la guerre. Un truc qui a obligé le Savoyard à partager un bout de sa vie avec un Breton ou un Provençal. Tous unis pour défendre le sol sacré. Avec les Européens, ça a plutôt été le contraire. On s’est collé des beignes pendant des siècles, ça laisse des traces. Dans ton village, on te dit Merkel, aussi sec tu penses au monument aux morts, sur la place, là où il y a le nom du cousin de grand père mort aux Eparges. Le même nom que toi. Le citadin, il peut pas comprendre, c’est tellement grand la ville qu’on n’y trouve pas de monument aux morts. Ou alors, faut chercher. C’est des trucs qui te relativisent le territoire.

Tout ça pour dire qu’avant de jeter l’anathème sur l’autre, le connard qui comprend rien comme moi, faut réfléchir un poil. Pas se croire investi d’une mission divine. Si t’es minoritaire, comprendre que tu fais problème. T’attaques de front, t’as la contre-attaque aussi sec. Je sais, c’est pas facile de se voir comme un problème, mais c’est essentiel si on veut vivre dans un monde apaisé. Si t’es majoritaire, comprendre que la minorité fait problème et analyser le problème froidement. Comprendre, parler, échanger. Pas ressentir comme un animal.

Si tu heurtes la majorité, t’es sûr d’aller au clash. Des fois, ça marche : Mitterrand et la peine de mort. Enfin, ça marche un temps. Moi, rien ne me dit qu’elle ne reviendra pas un de ces jours, en douce.

Tout ça, on en a déjà parlé.

On en reparlera….

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