samedi 5 octobre 2013

LE SOL ET LE SANG

Vieille lune : le droit du sol et le droit du sang. Adaptation juridique d’une coupure épistémologique entre l’histoire et la géographie.

Parce que dans nos têtes, c’est comme ça que ça marche : l’histoire d’un côté, la géographie de l’autre. Il ne vient à l’idée de personne que si on forme des profs d’histoire-géo, c’est que les deux disciplines s’entremêlent. Il n’y a pas d’un côté la terre et l’histoire d’un autre.

Le sol où nous vivons, le territoire que nous arpentons, il est fils de l’Histoire. Si tu peux aller dans un hôpital, c’est parce que cet hôpital a une histoire. Ça commence souvent par un établissement caritatif, avec des curés et des bonnes sœurs, ça continue avec de généreux donateurs, des médecins qui bossent, ça prend du temps, l’Etat s’en mêle et, après plusieurs siècles, ça devient un élément structurant d’un territoire. Lui refuser sa dimension historique, c’est très con.

Le citoyen de base, il a conscience de cette dimension historique. Il le sait bien, ou il le sent bien qu’il n’est pas fils de rien. Il te sort facilement ses ancêtres, sa famille. Même le petit mec des cités : quand il va à la Bastille fêter le nouveau Président, il prend le drapeau de ses parents, il affiche son origine, il revendique son histoire. S’il a du courage, il va se palucher des fiches d’etat-civil et il intègre un cercle de généalogistes.

Le droit du sol et le droit du sang ne peuvent être séparés. Le droit du sang n’est rien d’autre qu’un droit du sol dans sa dimension historique. Le citoyen de base, il le sait bien que le monde dans lequel il vit, son territoire, il le doit à ses parents, à son grand-père mort à Douaumont, aux impôts payés par ses parents qui ont permis de construire une piscine ou de créer une zone industrielle. Il le sait bien que le territoire n’est rien d’autre que l’aboutissement de dizaines de générations travailleuses et contribuables.

Pour faire court, il se sent « chez lui » parce qu’il est le dernier maillon d’une longue histoire, qu’il a des cousins dans le village voisin, qu’il parle une langue, qu’il a un accent, qu’il préfère une cuisine, toutes ces choses qui font que le Breton n’est pas un Alsacien.

Cette dimension historique perdure partout, dans la langue, dans les manières de table (ben oui, le mec qui met les mains dans le plat, c’est normal à Niamey, pas à Barcelonnette), dans la manière de se saluer (chez nous, c’est trois bises), dans le fonctionnement matrimonial et même l’organisation du mariage (y’a des régions à jarretière et des régions sans jarretière), tous ces détails que la mondialisation n’arrive pas à gommer et qui ne sont pas aussi insignifiants que nos prétendues élites veulent bien le croire. Bien entendu, ça a des racines complexes, souvent religieuses : même un athée comme moi peut avoir des réactions imbibées de siècles de calotte triomphante. Et d’abord, je suis plus ému dans une basilique cistercienne que dans une mosquée. C’est con, mais c’est comme ça. Je le sais, je lutte contre, mais c’est comme ça. Saint-Jacques est plus en moi que Mahomet. Toi, c’est le contraire et je peux le comprendre. Ma compréhension ne changera pas mes réactions..

L’Autre, je le vois pas comme un ennemi, mais comme un invité. Et d’un invité, j’attends des réactions d’invité. Pas qu’il pisse sur mon canapé, même si c’est la coutume chez lui. S’il a des réactions qui collent pas avec mon territoire, et l’histoire qui va avec, je peux être choqué, furieux. Y’a une contrepartie : quand je vais chez lui, je me comporte comme un invité. J’essaye de ne pas imposer mes manières et je me déchausse avant d’entrer dans la mosquée. Si ça me va pas, j’y vais pas.

Si on pouvait comprendre ça, les choses iraient au mieux. Les mecs qui forcent le passage à Melilla, ils se comportent pas comme des invités. Je ne veux pas être obligé d’ouvrir ma porte, même si je comprends la pauvreté, le désir de survivre et toutes ces sortes de choses. La Nation, c’est comme un domicile : un grand territoire au lieu d’un petit, mais un territoire. Toujours. Un truc que t’as aménagé, selon tes goûts, tes désirs, ton histoire. Un truc que t’as cadenassé avec une porte blindée ? Réfléchis à ça : le pays comme domicile, tu verras, ça te relativise l’analyse. Si ton domicile est grand, peut être que tu vas accueillir quelqu’un dans la pièce du fond. Peut-être pas. Mais tu attendras de lui qu’il accepte tes règles.

En fait, c’est comme ça que ça se passe. Sauf que le plus souvent, ceux qui veulent ouvrir les domiciles, ils pensent aux domiciles des voisins. Chez toi, oui, chez moi, non. Accueille les Roms, moi j’ai pas la place. Alors, forcément, ça pète.

C’est juste une question de vision. Le patron du George V, quand il voit une burqa, c’est une princesse saoudienne qui va lui laisser un maximum de thunes. Amène lui la femme de Mouloud de Gennevilliers, tu vas voir s’il a la tolérance hyperbolique. Et si la femme de Mouloud elle vient pour se faire embaucher comme femme de chambre, tu vas voir s’il va admettre le costard islamique.

On fait quoi, alors ? On laisse les Erythréens crever ? Evidemment, non. On essaye de comprendre que partir de chez soi, c’est une horreur. Et que le mieux, c’est que les hommes puissent vivre dignement dans les lieux qui les ont construit.

Valls, il est émigré, il sait. Il sent. Il a vécu. Raison pour laquelle sa parole pèsera toujours plus lourd que celle des bobos qui jouent de la misère de ceux qui sont partis de chez eux.

On en reparlera….

3 commentaires:

  1. vous manquez de vision "histoire". Quand les Français ont forcé la porte des domiciles africains, ils n'ont pas comporté comme un invité ! Un africain qui a dit une phrase : vous, vous etes venu chez nous sans demander la permission et resté 300 ans, pourquoi je ne peut rester ici 3 ans ? Comme vous allez lui repondre ?

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  2. pour les colonisateurs, les terres sans gouvernement étaient des no man's land. Ils ne se sont pas comportés en Chine comme en Afrique. L'existence d'une structure politique est un point capital

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  3. Et puis soyons clairs...le colonialisme fut une guerre...nous avons envahi....ce n'est pas bien...mais aujourd'hui, nous ne sommes plus en guerre...à situation nouvelle,réactions nouvelles...

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