La force des grands intellectuels est qu’ils savent nommer
les choses justement et précisément. Ainsi Emmanuel Leroy-Ladurie. Décrivant
les formes de pouvoir à Montaillou, il utilise le mot
« adamocratique » pour nommer le pouvoir des hommes.
Je le fais remarquer à une mienne amie, féministe
convaincue, un poil suffragette comme elles sont toutes, qui s’emporte et se
lance dans une diatribe pour défendre « phallocratique », selon elle
mieux adapté à la description de la chose.
Respirons et analysons. Phallocratique renvoie à la
domination du pénis, au pouvoir du sexe érigé comme une barrière entre homme et
femme. Le mot ne décrit pas un état mais un fonctionnement, celui du phallus
enfoncé comme un glaive dans le fourreau vaginal. Etymologiquement, vagina désigne
le fourreau de l’épée et donc mon « foureau vaginal » est un
pléonasme. Celle qui a inventé le mot a délibérément choisi le phallus comme
signe cardinal de la masculinité. Le pénis plutôt que la barbe, peut être pour
mettre hors-jeu la femme à barbe des foires anciennes ou pour protéger les
femelles hors d‘âge nimbées de pilosité faciale.
Ce faisant, les féministes convaincues choisissent le sexe
contre le genre. Le pouvoir ne vient pas de la seule existence d’un cartilage
érigé mais de l’utilisation qui en est faite pour soumettre. Ce n’est pas
l’homme qui a le pouvoir mais son phallus. Ce qui revient à admettre et à
valider ce pouvoir et, par voie de conséquence, à accepter que la femme-femelle
soit soumise à ses sens puisqu’elle est contrôlée par eux. Voulant stigmatiser
le pouvoir des hommes, les utilisateurs de « phallocrates »
dévalorisent la femme en se coulant dans le moule du langage masculin. Toutes des salopes !
Tout ceci permet d‘évacuer l’essentiel. S’il y a pouvoir des
hommes, il n’est pas lié au pénis mais à un faisceau de raisons, économiques et
sociales qui offrent le pouvoir aux hommes. Pour faire simple, les femmes se
mettent à genoux devant un producteur parce qu’il a un contrat dans la poche et
non parce qu’il a une grosse bite. Mettre le phallus dans le langage revient à
éliminer l’essentiel qui est outrageusement politique. Remplacer Marx par Freud
n’est pas une bonne idée.
Mais le pire est le statut offert aux homosexuels. Que
deviennent ils si l’utilisation du phallus est un critère prépondérant de
pouvoir ? On ne peut les exclure du champ dominant : de César à André
Labarrère, les homosexuels ont participé à la domination masculine. Sont ils pour autant des
phallocrates ? En général, les féministes ne répondent pas et placent les
homosexuels dans l’un ou l’autre camp avec des arguments tirés de leur histoire
personnelle, alors que l’Histoire ne manque pas d’exemples qui illustrent cette
réalité : les homosexuels gouvernent comme des hommes. Ils sont
adamocrates.
Mettons les pendules à l’heure. Le CNRTL donne
« phallocrate » comme apparu en 1974 sous la plume de Gisèle Halimi
tandis que Montaillou date de 1975. Leroy-Ladurie disposait donc d’un terme
apparu avant qu’il ne rédige et qui avait déjà un certain succès. S’il en a choisi
un autre, ce ne pouvait être que délibéré.
On peut accepter que le F initial est plus puissant que le A
assourdi ce qui lui donne un avantage dans les médias. C’est malgré tout
insignifiant. J’y vois quant à moi une volonté politique étatsunienne. « Phallocrate »
est clivant et donne de l’importance à la communauté consumériste. Le pénis ne
tient plus les cordons la bourse.
Washington s’est trouvé un nouveau prolétariat qui permet de faire glisser dans
la trappe la lutte des classes. Marx avait pourtant noté que la femme était la
prolétaire de l’homme ce qui semblait un début d’analyse pertinent. La
distinction entre phallocrate et adamocrate est lourde de sens politique car
elle détruit un cadre d’analyse social au profit d’une vision lourdement sexualisée
et pseudo-naturelle.
« Pseudo » n’est pas là par hasard. Ce phallus que
brandissent les féministes perd tout caractère contraignant dans les débats
actuels. Sa biologie prétendument oppressive est niée dès lors qu’il s’agit de
reproduction ou de construction familiale. Si la Nature existe quand il s’agit
de pouvoir politique, on ne peut la gommer dan le lien social.
Sauf à admettre un trucage. La phallocratie est un trucage
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