samedi 13 novembre 2010

ONFRAY, DELAY, FREUD

Il a fallu à Michel Onfray produire un énorme pavé pour démolir la billevesée freudienne. Je ne l’ai pas lu. Je n’en avais pas besoin. J’avais dans ma besace une phrase attribuée au Professeur Jean Delay et qui suffit à mon bonheur : « Un psychanalyste est comme un garagiste qui prétend réparer le moteur de votre voiture sans ouvrir le capot ». Tout est dit. Après, on peut gloser, mais ça ne sert vraiment à rien.

Je suis pas bien sûr que la citation soit de Jean Delay, c’est pas trop son style. Mais elle me convient. Les garagistes en blouse blanche, ça fait un moment qu’ils décortiquent le macchabée. Ils comprennent tout au premier coup d’œil. Tu regardes un cœur, tu comprends vite. Le cerveau, c’est autre chose. Une grosse masse grise avec plein de circonvolutions. Comment ça marche ? On sait pas bien. Bon, on a quelques idées, on connaît les neurones, les synapses, leurs connections. Mais des neurones, y’en à quelques millions, et en plus, ils changent tout le temps. La carto du cerveau, elle est pas dressée. Et elle le sera pas demain.

En attendant, on invente. Comme Sigmund. On imagine, on structure. L’homme aime pas ne pas savoir. Et puis, quand on découvre, c’est l’horreur. Le truc devient mécanique. Tu crois que t’es tombé amoureux parce qu’elle a toutes les qualités… Le biologiste, il t’explique que c’est juste des phéromones. T’as senti un truc et, paf ! l’érection. Le romantisme en prend un vieux coup. Juste pour dire que Jean-Didier Vincent, il est pas près d’être au programme. Pour lui, le cerveau, c’est juste une glande. Comme la thyroïde. Il a pas tort, je trouve. La cervelle, chez les tripiers, c’est juste à côté du ris de veau. T’imagines le truc ? Tu te crois être doué de conscience, rationnel et tout ça, et y’a des mecs qui viennent te dire que c’est juste de la mécanique. Que ce que tu ressens, ce que t’aimes, ce que tu imagines, tu n’y es pour rien. Comme ton chien.

Le problème de l’Homme, c’est son ego. Pas son ego personnel, son ego en tant qu’Homme. C’est ça qui le rend con. Attention : con, ça veut pas dire pas intelligent. Tu prends un mec intelligent (une fille, si tu milites pour l’égalité des cons) et tu parles avec lui de l’évolution. En général, il te suit, il accepte. Le poisson qui sort de l’eau, la vie qui se diversifie, les dinosaures, tout ça, ça lui va assez bien. Quand il t’a bien suivi, tu lui sors l’arbre phylogénétique de la vie. Tu lui montres. Tu lui fais remarquer qu’il est ici, que le cochon est là et la tortue un peu à côté. Et que s’il y a une différence de place, ça ne veut pas dire qu’il y a une différence de nature. Pour être clair, si la tortue a pas droit à la vie éternelle et à la résurrection des corps, l’Homme non plus.

Alors là, t’es sûr du rejet. Le mec (ou la nana), il sursaute, il s’indigne, il éructe. Quasiment t’as perdu un copain. Tu vas avoir droit à toute la sauce : la parole, la conscience, l’inconscience, tout ce que des gens vachement intelligents mais irréductiblement cons ont inventé depuis des siècles pour dire que l’Homme est différent. Que lui, il meurt pas vraiment, qu’il ne baise pas comme une bête. Au fond de tout ce magma, l’idée qu’un Dieu a donné un plus à l’Homme.

Alors les biologistes qui viennent te dire que c’est juste parce qu’on a un peu plus de neurones, un peu plus de connections, une mécanique différente et plus complexe, des combinaisons des protéines plus subtiles, ils sont pas près d’être acceptés. Ils ont du bol. Il y a quatre siècles, on les aurait brûlés. Parce qu’ils sont en train (enfin) d’éradiquer Dieu de la pensée humaine.

C’est vrai que c’est dur. Tu as eu un accident. Tu étais au volant et tu as tué ton meilleur copain. Ou ta femme. Comment tu vas survivre si tu es pas convaincu que, malgré tout, le mort survit ? Qu’au fond, c’est pas si grave ? Tu as besoin d’imaginer qu’il est toujours là, qu’il te regarde et même te protège. Qu’il te pardonne. S’il est bien mort, comme les moustiques qui s’écrasent sur ton pare-brise, il ne peut plus te pardonner. Et sans ce pardon, ta vie devient un enfer. Tu vas dire à ton gosse que Maman, elle est au Ciel. Parce que tu peux pas lui dire que Maman, c’est fini. A tout jamais. Et que c’est ta faute.

Justement, disent les philosophes. Tout ça, la culpabilité, le pardon, c’est purement humain. Tu vois bien qu’on est pas des bêtes. Bien sûr qu’on est pas des bêtes. Simplement, on a un cerveau plus complexe, plus de mémoire, plus de connections qui nous ont permis de construire un système plus sophistiqué. Mais ce système, c’est pas Dieu qui nous l’a donné. C’est simplement la vie qui a évolué. La vie qui nous a permis de nous mettre debout. Rien que pour ça, se mettre debout, il a fallu (Gould le rappelle) plus de 1200 modifications anatomiques. Pour parler, on sait pas. On peut analyser l’appareil phonatoire mais ça ne suffit pas. Ce qui se passe là-haut, dans l’aire de Broca, on sait pas bien encore. Mais on trouvera.

En attendant, on bricole. On balance des notions religieuses partout. Le libre-arbitre, par exemple. Ça, c’est du lourd. L’Homme a son libre-arbitre. Ça le distingue des animaux qui suivent leurs pulsions. L’Homme, il peut choisir. A partir de là, tu prends un schizophrène. C’est une pathologie, ça se soigne, il y a des médicaments pour ça. Mais le schizo, c’est un Homme. Il a son libre-arbitre. Il peut choisir de se soigner ou pas. On peut pas l’obliger. Mais s’il fait une crise et qu’il décapite une infirmière (ça s’est vu), il n’est pas condamné au motif qu’il n’avait pas son libre-arbitre. C’est vachement bien comme truc. Un coup, tu l’as, un coup tu l’as pas. C’est qu’il faudrait pas que le mécaniste prenne le pas sur le religieux. Si on oblige les schizos à se soigner, pourquoi pas les autres ? Les pédophiles, par exemple. Ça peut aller loin. Et puis, tu remplaces les psys par des pharmaciens. Mon petit doigt me souffle que c’est plus scientifique vu que la Science tend à la généralité et le psy à l’unicité. Mais mon petit doigt a mauvais esprit.

Le con, il préfère inventer que bosser. On peut le comprendre. Dieu, c’est l’invention absolue parce que ça explique tout et que ça justifie tout. « Dieu me l’a donnée » disait Rockefeller à propos de sa fortune. C’est bien pratique. Les hommes morts, les hommes ruinés, les paysages dévastés, si ça vous plaît pas, adressez vous à Dieu. C’est pas ce qu’il vous répondra qui va gêner Rockefeller.

Le con, il préfère inventer que bosser. C’est pour ça qu’il peut être intelligent. Comme Freud. C’est bien foutu sa théorie. Complètement auto-référencée, mais ça ne change rien à l’intelligence de la construction. S’il avait du s’attaquer au problème par la dissection et l’analyse du cerveau (par le démontage du moteur), il ne serait arrivé à rien. En tous cas, pas à un système complet. Juste quelques avancées modestes, comme Charcot, Broca ou Babinski. Il avait pas les outils, tonton Sigmund. Alors, il a inventé.

Ça a marché. L’Homme aime bien les explications globales qui le différencient du reste de la Vie. Les religions, par exemple. Ce qu’il y a de bien, c’est qu’il ne saura jamais que ça ne marche pas. Et il n’admettra jamais que l’antonyme de la mort, c’est la naissance, pas la vie.

On en reparlera….

1 commentaire:

  1. D'où l'idée du psy qui remplace le curé...l'objecteur de conscience, lol.
    Mais les américains, ils trouvent les psy ringards depuis 10ans : ils ont des coachs et ca marche!
    Un coach _con ou pas_ qui rassure, encourage ou encore qui est présent pour améliorer sur mesure une vie et la rater le moins possible dans son corps-esprit et rapports sociaux.
    Un psy con pour un patient con, un coach con pour un coaché con etc.
    Je remarque que le coach, c'est tout de même moins sacré et plus incarné que le curé, psy et autres gourous.
    In fine ces américains, s'approcheraient-ils via le coaching physio-social (et non depuis la seule psychée si propre aux européens) d'une vision plus organique d'un "ben essere" qui les dé/re-génèrent???

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