jeudi 26 mai 2011

TROUSSER AUTAIN

Alors, celle-là, même un scénariste hollywoodien de la Belle Epoque, bourré au Four Roses, n’aurait pas osé l’inventer. Elle est totalement improbable.

J’ai un gros contentieux personnel avec Clémentine Autain. Elle était adjointe de Bertrand Delanoë et se répandait sur les ondes avec son discours vaselino-féministe ou oléo-gauchiste. Choisis ton néologisme. Ha, les femmes ! Surtout les femmes du peuple, travailleuses, épuisées de grossesses, de travail redondant… Bon, tout le monde connaît. Glissons.

Il se trouve qu’à l’époque, mon épouse était vacataire à la Mairie de Paris. A la Mairie de Paris, « vacataire », ça veut dire « précaire ». T’as droit à un CDD tous les ans. Pour ma femme, ça faisait quatre ans. Quatre CDD. Mais je croyais que la loi interdisait les CDD à répétition ? Moi aussi, je croyais. Mais tu vois, c’est pas vrai. Sa copine Suzie, elle en était à 17 CDD. Elles avaient été engagées par Tibéri. Normal, qu’un maire de droite se tape des règles sociales. J’ai donc appris que le changement, c’était pour la presse. Tibéri ou Delanoë, ça fonctionne pareil.

L’employeur de Chantal, c’était le CCAS, en d’autres termes les services sociaux. Tu veux dire que les services sociaux d’une ville socialiste respectent pas les lois sociales ? Ben, ça y ressemble, tu trouves pas ?

Et puis Chantal s’est trouvée enceinte. Elle a donc du arrêter de travailler. Et elle a appris que, pour le congé de maternité, elle avait pas les heures qu’il fallait. Précaire, sous-employée, pas lourdement payée et pas couverte.

Alors, moi, vous me connaissez ? J’ai écrit à Clémentine. On était au cœur de son sujet. Travailleuse précaire, dépendante du pouvoir, enceinte et non indemnisée, c’était quasi le sujet idéal. En plus, Chantal était l’employée de Clémentine. Et donc, un peu naïf et sûrement très con, j’imaginais que Clémentine réglerait en deux coups de cuillère à pot une situation qui dépendait d’elle. Qu’elle puisse pas aider les travailleuses précaires de Géorgie occidentale, je comprends. Mais là, c’était un service qu’elle gérait.

Mon fils vient de fêter ses cinq ans et j’attends encore la réponse. Pas une ligne. Même pas une ligne pour dire qu’elle pouvait rien faire. Je comprends. C’est cruel d’avouer son impuissance. En fait, Clémentine, elle s’en foutait. Elle était pas là pour régler les problèmes, elle était là pour les dénoncer. Surtout les problèmes qui ne la concernaient pas, c’est plus facile.

Et puis, elle a un peu disparu des écrans. Et plaf ! DSK a pas plutôt sorti son pénis que revoilà Clémentine. Au nom de la défense de la victime. Vu que, dans ce cas de figure, la victime c’est une femme. Non solum une femme sed etiam une fille-mère. Une vierge, ç’aurait été mieux mais personne n’est parfait. Mais Clémentine, elle est à fond pour la présomption d’innocence. Parce que « innocent », dans sa première acception, c’est quelqu’un qui ne fait pas de mal, quelqu’un qui n’a pas l’expérience des choses sexuelles. Le portail lexical du CRISCO donne comme synonyme « chaste ». Et voilà comment Clémentine présume que la « victime » est chaste.

Là, elle peut y aller la hautaine Autain. Les victimes, elle les choisit. Celle-là, elle est parfaite. Prolétaire, minorité visible, émigrée (ou immigrée, ça dépend d’où on regarde) en face du riche puissant mâle blanc. Mejor impossible. En plus, l’avocat nous l’a dit : elle pleure toute la journée tant l’expérience fut douloureuse. Tu l’écoutes, t’as le sentiment qu’il défend Thérèse de Lisieux. Non, pas Thérèse, celle-là, elle rit quand on la baise. Bernadette Soubirous, peut être. Voilà. L’avocat américain, il défend Bernadette Soubirous. Et Autain rejoint la meute. C’est un bon plan : elle est sûre qu’elle peut rien faire, rien que se répandre comme un éjaculat devant toutes les télés qui se tendent vers elle. Rien que se répandre et cracher sur un mec qui est le copain du Delanoë qui a fini par la mettre au placard. Coup double. La vengeance personnelle et la bonne conscience féministe. C’est tout Clémentine, ça. Tu causes, tu causes….

Derrière Clémentine, elles sont toutes là. Ha ! elles ont des choses à dénoncer. Les mecs qui tiennent un discours machiste. Ben oui, les mecs, ils vont pas tenir un discours féministe. Les chats n’aboient pas. Oui, ça flirte un peu avec la gaudriole, avec les vannes de chambrées mais les mecs faut les comprendre. Ils arrêtent pas de se faire allumer. Même au boulot. Tu vas dans une réunion avec des nanas, tu verras les sourires enjôleurs et la danse de la séduction. On y a tous eu droit. Quasiment toutes les nanas, elles en jouent. Peut-être pas Angela Merkel, admettons. La féminisation du travail, c’est ça. L’arrivée de la séduction dans le professionnel. Le mélange des genres. Le patron du XIXème siècle, il bossait dans un environnement de mecs, un peu militaire, un peu janséniste. Pour la séduction, y’avait des maisons spécialisées et des danseuses. Là, c’est fini. Le monde du travail s’est adouci. OK, c’est qu’un vernis mais le vernis, c’est le premier truc que tu vois.

Il y a vingt ans, dans l’édition, on recevait que des représentants mâles. On causait quantités, remises, conditions de transport. Aujourd’hui, on reçoit que des représentantes. On cause plus pareil, on rondejambise, on évite la grosse colère qui amène la gisquette au bord des larmes. Ben oui, elles pleurent dans le boulot, c’est une arme pour elles. Tous les garçons le savent, les filles ça pleure. Peut-être pas Christine Lagarde, admettons.

Les filles, elles te balancent leur histoire personnelle dans les dents. Il paraît que ça humanise. Mon cul ! c’est juste une technique. Même Clémentine. Il paraît qu’elle a subi des violences sexuelles. On s’en fout. Ça lui donne pas de légitimité. C’est juste son histoire, ça n’a pas de valeur générale. La pudeur et la dignité (c’est pas des gros mots) voudraient qu’elle n’en fasse pas un argument. Parce que c’est simplement son argument à elle. La personnalisation des problèmes généraux, ça relève du psy, pas de la discussion rationnelle.

Les féministes, elles veulent qu’on pense à la « victime ». Les guillemets, c’est exprès. Toujours selon le CRISCO, la victime c’est quelqu’un qui subit l’injustice. Pour l’heure, je ne vois pas que Madame Diallo ait subi une quelconque injustice. Sauf à présumer de la décision des juges. Pour l’heure, elle est planquée, à l’abri des caméras, protégée. On devrait dire « victime présumée ». Mais pour les féministes, c’est trop long. Et quand je dis « protégée », c’est pas une clause de style. La loi new-yorkaise interdit à la défense de DSK de faire mention de la vie sexuelle de la victime présumée. Cool ! On va être obligés de la considérer comme chaste et pure. Je vous l’avais dit, Bernadette Soubirous.

Faut que je rassure les féministes. Y’a plein de gens qui vont penser à la victime. A commencer par les enquêteurs de DSK. Je pense qu’ils vont pas mollir les mecs. Bon, les résultats, ça sera dans quelques semaines ou quelques mois. La pression sera retombée et quoi qu’on apprenne, il n’y aura plus de commentateurs énervés. Même si DSK est acquitté, sa carrière aura été brisée. Résultat atteint.

« Nous détroussons les hommes et nous troussons leurs femmes ». C’est ainsi que Paul-Louis Courier définit la guerre des armées napoléoniennes en Italie. Si j’en crois le tollé féministe, Paul-Louis Courier serait aujourd’hui cloué au pilori avec ce mot « trousser » que l’on reproche à Jean-François Kahn. C’est bien simple : on ne peut plus écrire. On ne peut plus écrire une langue simple, précise, élégante. Il faut utiliser la novlangue orwellienne. Car enfin est-ce donc autre chose qu’un « troussage de domestique » que l’on reproche à Kahn ? Une femme de chambre n’est-elle pas une domestique ? C’est à dire une « personne employée pour le service d’une maison » ? C’est connoté ? Par qui ? Par ceux qui ignorent l’étymologie avec ce « domus » qui effleure à la surface du « domestique » ? Il est tellement plus facile de jouer sur les mots que sur les salaires et d’inscrire « technicienne de surface » sur une fiche de paye qui ne subira de changements qu’à la baisse. Hypocrites ! Ce qu’on reproche à Kahn, c’est un vocabulaire classique. Bien sûr que « trousser », c’est « posséder sexuellement » et que ça a une connotation de viol. « Trousser », c’est relever la robe que la femme ne relève pas spontanément et volontairement. En écrivant « trousser », Kahn évoque avec précision et élégance le viol. Comme Courier. Si vous ne le comprenez pas, ce n’est pas grave. C’est juste que vous ne méritez pas la plume de Jean-François Kahn qui sait si bien trousser les mots.

Je vais énerver Clémentine avec des mots : une femme violée est à la fois niquée et paniquée...

On en reparlera…

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