samedi 8 octobre 2011

QUAND COMPRENDRONT-ILS ?

C’est la seule question qui vaille aujourd’hui : quand les Américains comprendront-ils que le temps de leur hégémonie est révolu ?

Il paraît qu’ils sont « furieux » du vote chinois sur la Syrie à l’ONU. Furieux. D’accord. Ils vont faire quoi ? Envahir la Chine comme ils ont envahi l’Irak ? Virer la Chine de l’OMC ? Rembourser aux Chinois tout ce qu’ils leur doivent ? Ils ne vont rien faire. Parler, bouger, s’agiter. Ils sont pieds et poings liés.

On nous avait dit que le 11 septembre était un séisme. Ils n’ont rien compris au 11 septembre. Certes, les média ont compati, les gouvernements ont compati, tous ceux qui, de près ou de loin, vivent sur le modèle américain ont compati. Mais les autres ? Les petits, les sans-grade, le peuple ? Dans l’ensemble, le peuple a rigolé. Le 11 septembre, j’étais dans un village de Galice, au bistro. Un petit village de montagne, loin de tout. Et au bistro, les gens rigolaient. Ils disaient « Bien fait ». Goliath prenait une grosse baffe. Le peuple n’aime pas Goliath. Pas plus qu’il n’aime Rambo ou Terminator. C’est pas parce qu’il va au cinéma qu’il aime les héros de cinéma.

Le peuple n’est jamais dupe. Il écoute les rodomontades mais il voit la panique à Saïgon, il voit le départ feutré d’Irak, il comprend la défaite en Afghanistan. Il écoute Obama promettre la Lune et il se marre. Le peuple aime David, pas Goliath. Surtout quand Goliath montre son impuissance. Il sait bien que le pouvoir d’Obama est limité par le fardeau d’une colossale dette. Il le voit, l’omni-puissant Président, négocier avec ses adversaires, à la limite de la supplication, même pas pour combler le trou. Juste pour avoir le droit de l’agrandir. Où est son pouvoir ?

Steve Jobs a changé le monde parce qu’il a inventé un téléphone. C’est ce qu’on nous répète en boucle. Mais le peuple n’a pas d’IPhone et si son monde a changé, c’est en pire. Steve Jobs n’a pas combattu la pauvreté, il a permis aux traders de spéculer plus vite. Steve Jobs a inventé l’IPhone alors que l’ONU fixait les objectifs du millénaire. L’Iphone est un succès et on sait déjà que les objectifs du Millénaire sont un échec. Douste-Blazy et ses copains en charge des objectifs du Millénaire ont un IPhone mais ils ont échoué. Si c’est ça, changer le monde….

Steve Jobs a augmenté le nombre de joujoux des riches des pays riches. Je ne vois pas ça comme un changement, ni même comme une amélioration. C’est juste une manière de détourner encore plus de fric de l’essentiel pour augmenter l’accessoire. Après quoi, on va comparer ce mec à Einstein. Si, si, y’en a qui ont osé. Remarquez, ils ont pas osé dire Gandhi ou Mère Térésa. Mais ça viendra. Attendez la mort de Bill Gates, vous verrez.

Si j’osais reprendre l’image des années 1970 à propos de la Chine, je dirais que les USA sont un colosse aux pieds d’argile. Ils n’ont plus d’argent, rien que des dettes. Ils n’ont pratiquement plus d’industrie et leur modèle est basé sur le pétrole qui disparaît. Ils n’ont plus les moyens de leurs ambitions. Leurs alliés sont exsangues : depuis dix ans, le Japon court après son âge d’or. Il leur reste Wall Street et son modèle artificiel et ils croient encore que Wall Street est le cœur du monde.

Les Américains sont pathétiques. Ils s’accrochent aux lambeaux de leur splendeur et ils croient dominer le monde parce qu’ils vendent au monde du Coca-Cola ou des hamburgers. Ou des téléphones qu’ils ne fabriquent même pas. Obama râle après la Chine qui ne cesse de l’humilier, Obama râle après Israël qui n’en fait qu’à sa tête, Obama râle après l’Europe que ses banques ont ruinée. Obama ou son successeur vont passer les années qui viennent à avaler des couleuvres.

Quand comprendront-ils ? Combien de nasardes, combien d’humiliations, combien de reculades devront-ils affronter avant de comprendre qu’une société injuste ne peut avoir un destin juste ? Qu’un Etat doit s’occuper de ses citoyens et non chercher l’hégémonie mondiale. Qu’on ne peut impunément piller les richesses des autres et mépriser leur culture. Que la culture du résultat ne porte pas seulement sur les chiffres et que valeur s’applique à la morale avant d’être un terme de Bourse. Et que, nous dit-on aujourd’hui, l’amélioration de l’économie n’est plus créatrice d’emplois. Forcément : pour le capitalisme l’emploi est un fardeau et Steve Jobs faisait construire ses machines en Chine afin de devenir la meilleure capitalisation boursière du pays. Mais Steve Jobs a changé le monde : il a enrichi ses actionnaires en appauvrissant ses concitoyens.

Avec l’ami Gentelle, nous regardions l’affrontement Chine-USA : l’un des joueurs appliquait les règles du go, l’autre jouait au poker. Pierre pensait que lorsque les dirigeants américains découvriraient que le jeu n’était pas le même, ils auraient la tentation de renverser la table. Comme dans un western : « Tu triches, Callaghan, tu vas payer ».

Nous savions tous deux que viendrait un jour où même renverser la table ne serait plus possible. Comme dans tout cercle de jeux, la Chine a un « baron » : la Corée du Nord. C’est elle qui, régulièrement, teste la patience américaine. Un missile ici, un bombardement là, histoire de voir si ça pète, si on dépasse les limites de la protestation diplomatique ordinaire. Test après test, les USA s’écrasent. Ils protestent mais rien ne bouge. On n’envoie pas de flotte, on ne mobilise pas la Corée du Sud. Rien. Ils savent qu’ils ont perdu l’atout Taïwan qui ne bronchera pas. Ils savent que le Japon est englué dans ses problèmes. Ils savent que la Corée du Sud a les yeux fixés sur les cours de Bourse. Les Chinois le savent aussi.

Les USA jouent à l’ONU, dernier terrain disponible. Ils ont eu les mains libres en Irak, puis en Afghanistan. En Syrie, c’est non. Game over. En face, Russie et Chine, les deux puissances communistes. J’ai bien écrit « communiste ». La Chine, c’est officiel. La Russie, ça revient.

Nos gouvernants sont tellement obsédés par les USA qu’ils ne voient pas l’évolution. Ils n’ont pas compris que le jeu était fini. La corrida s’achève, le toro est épuisé. Ruiné. Il n’a plus de ressources. Ça, ce n’est pas tout à fait vrai. Les USA ont encore des ressources mais les mobiliser revient à tout changer. A casser le jeu financier, à produire des biens plutôt que des dollars qui ne leur servent plus à rien. Ils n’y sont pas prêts. L’oligarchie américaine s’accroche à ses privilèges, tout comme l’oligarchie européenne. S’accrocher à une bouée percée quand le bateau coule.

On en reparlera… et vite.

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