mardi 26 février 2013

LE RESSENTI

On progresse, moi je vous le dis.. Jusqu’à maintenant, on ne connaissait qu’un seul instrument pour mesurer la température, un vieux machin inventé dans les années 1700 et tout juste modernisé au siècle dernier, le degré Celsius. Le vieux Celsius, au temps de Voltaire, il avait défini une échelle centigrade ousque 0°, c’était quand l’eau gelait et 100° quand elle bouillait. Ça avait le mérite d’être simple, un poil rustique mais relativement fiable. En tous cas, depuis 150 ans, les statistiques de la météo, elles fonctionnent avec le degré centigrade de Celsius et ça ne paraissait pas devoir poser problème.

C’était compter sans les cuistres de la communication. Dans les fils de Séguéla, doit y en avoir qui se gèlent un peu plus les burnes en descendant de leur Rolls, ou des qui trouvent que les degrés de Palavas-les-Flots, ils sont trop ploucs pour être utilisés à l’Ile Maurice, enfin, un truc comme ça. Et donc, ils ont inventé les degrés « ressentis ».

C’est simple : ton thermomètre, il te dit 3°C, mais toi, malgré ta pelisse, tu trouves que ça caille vraiment. Tu ressens plus froid que ce con de thermomètre. Alors, tu annonces 0°C de ressenti. Comment tu décides ? Facile, tu rajoutes le vent, le manque de soleil et l’âge du météorologue. Le con qui regarde la météo six fois par jour au cas où l’anticyclone, il déciderait de se tirer à tout berzingue, on sait jamais, il est bien d’accord avec toi. Ta mesure, elle est complètement bidon vu que c’est du ressenti et pas du mesuré, mais bon, on va pas chipoter. L’essentiel, c’est toi et ton ressenti. Toi, ce petit Dieu. Et ça te permet d’avoir une bonne discussion au coin du zinc, sur les changements climatiques. Les cons de climatologues, ils te disent que ça réchauffe, mais toi tu ressens bien que ça réchauffe pas. Tu vas pouvoir augmenter le chauffage et te conforter dans ton 4x4. Et pis d’abord, t’as raison vu que la météo te l’a dit. Tu savais bien que les scientifiques, c’étaient que des cons, des empêcheurs de vivre. L’hortensia dans ton jardin, il bourgeonne mais l’hortensia aussi, c’est un con. C’est qu’une plante. Qu’est ce qu’il connaît au climat, l’hortensia ?

Le ressenti, c’est quand même une vraie bonne nouvelle. T’as fini de souffler dans la pipette, le gendarme fronce les sourcils : 0,9 g. T’as perdu trois points.

Holà ! polop ! l’éthylomètre, c’est jamais qu’une sorte de thermomètre. Moi, mon ressenti, c’est que dalle : 0,2 g maxi. D’ailleurs, j’ai quasi rien bu. Faut adopter le ressenti à l’éthylomètre comme au thermomètre. C’est une question de justice.

Le radar, il dit 140. Pas du tout ! Moi, mon ressenti, c’est à peine 110. 110 et 0,2 g. Pas de quoi fouetter un chat.

Remarque, y’a plein de commerçants, ils fonctionnent aussi au ressenti. 200 g de viande prestement jetés sur la balance et tout aussi prestement retirés, et ça fait une demi-livre. Le ressenti du boucher, c’est 250 g. Qui va le lui reprocher ?

C’est un progrès, je trouve. On remet de l’humain dans la société. De l’à-peu-près, du à la louche. Dire que ça va faciliter la communication, c’est un peu optimiste, mais ça va permettre de discuter. Tiens. Si on n’analyse pas, le ressenti du bouffeur de lasagnes Findus, c’est boeuf, pas cheval. On va tout de même pas se laisser emmerder par l’ADN.

C’est marrant, je trouve. D’une main, on normative, on contrôle, on vérifie. De l’autre, on poétise, on psychologise. On tient deux discours, parfaitement contradictoires, ça permet de sortir celui qui t’arrange au moment où ça t’arrange. Comme ça, t’es sûr de jamais avoir tort. Important, ça, pour les politiques.

On en reparlera….

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