jeudi 15 juin 2023

INIMAGINABLE

Je reviens sur cette phrase entendue au détour d’une émission : « Les Russes finissent toujours par gagner les guerres qu’ils perdaient au début ». Phrase terrible de justesse mais incompréhensible tant qu’on n’a pas compris que les Russes intègrent l’inimaginable à leur stratégie.

Quand Napoléon campe au Kremlin, persuadé d’avoir pris la capitale du Tsar, Moscou brûle. Napoléon ne pouvait pas imaginer que les Russes détruisent leur capitale. Inimaginable ! Comme la destruction du barrage. Les Ukrainiens se sont mis dans la main des Américains, se condamnant ainsi à avoir un coup de retard car les Américains n’imaginent pas l’inimaginable. Ils n’ont surtout que peu d’experience dans la cavalerie blindée : en 1925, l’US Army utilisait encore des chars Renault. En réalité, dans leur doctrine, ils n’ont jamais su classer les tanks : attaque ou défense ? Ben, ça dépend, du terrain, de la météo, de l’adversaire…. un coup attaque, un coup défense. Situation inimaginable dans une pensée guidée par le pré-positionnement quand penser à tout revient à penser à rien.

 

Malgré tout, ils construisent des blindés. En oubliant l’experience. Le Sherman par exemple. Moins lourd, moins blindé, moins armé que les panzers allemands. Mais beaucoup plus nombreux et, partant, très efficace. Il m’a été donné de travailler sur « le couloir de Thuringe ». L’armée française savait l’appétence des Russes pour les chars et imaginait qu’en cas de conflit, les blindés soviétiques attaquerait la France en utilisant le couloir de Thuringe, partie de l’Allemagne de l’Est la plus proche de l’Alsace. La seule défense était de miner. Encore fallait-il disposer de mines en quantité et de couvrir le terrain. On manquait de munitions et on n’avait jamais utilisé d’avions pour parachuter des mines. C’est à cette occasion que je découvris que les blindés étaient le talon d’Achille de l’armée américaine.

 

C’était il y a trente ans, mais les doctrines guerrières ont la vie longue et je doute que les USA aient changé leur fusil d‘épaule : une guerre de chars n’est pas dans leur mental ce qui renforce le poids de l’inimaginable dans la stratégie. L’allié de l’Ukraine est meilleur en stratégie spatiale qu’en pose de mines. On n’a pas fini de s’étonner, d’autant qu’il n’y aura rien d’étonnant, la Russie manque de munitions de précision, qu’à cela ne tienne ! Bombarder en tapis est bien efficace aussi.

 

Je me demande quel est le poids de la météo dans la stratégie, car la météo entre dans la catégorie des impondérables. On a tendance à occulter ce qu’on ne peut pas prévoir. Ou imaginer. Par exemple qu’un barrage puisse remplacer un orage. Le but est d’immobiliser les blindés. Un sol gorgé d’eau est une aide. Pour l’observateur que je suis, c’est un plaisir de gourmet. Qu’est ce qu’ils vont bien pouvoir inventer ?

 

Les machines à tuer se réinventent sans cesse.

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