mardi 30 juillet 2013

KOBE-TISIER

Ça y est, on y vient….Le bœuf de Kobe envahit l’Europe…La viande mythique est désormais disponible à des prix mythiques sur le vieux continent. Les gourmets se délectent, les critiques s’enthousiasment et les cons s’ébaudissent.

Bien entendu, ça commence par le mélange des genres comme pour le porc espagnol. On colle quelques mots exotiques, histoire d’appâter le cochon…de payant. Alors, moi,fort de mes années à l’ENLOV et de mes séjours au Japon à mettre en pratique des compétences linguistiques devenues évanescentes, je m’énerve.

Que nous disent-ils les thuriféraires du bovin nippon ? La viande wagyu est là !!!

Et alors ? Wagyu, ça veut dire « bœuf du Japon ». C’est un vieux mot vu que Wa aujourd’hui, ça désigne plutôt la tranquillité. Mais bon, Wa on le retrouve partout avec le sens de Japon, plutôt traditionnel (sauf dans wakan qui signifie la fornication). Si je devais traduire, je dirais « bœuf traditionnel japonais ». Ha ! tu vois bien !

Ben non, je vois pas. Au Japon, on distingue trois races de wagyu. En gros, elles proviennent de trois préfectures voisines. La préfecture de Kobe, c’est le terroir du bœuf tajima. Pour avoir du bœuf de Kobe, les deux autres, t’oublies. Ouais, bon, c’est à côté… C’est sûr. Le Bazadais et la Chalosse, c’est pas loin non plus. Pour la viande locale, tu pinailles, dès qu’il y a de la distance, tu t’en fous…

Et donc, premier point : wagyu, ça veut rien dire, juste « bœuf japonais », pas bœuf de Kobe. Bœuf de Kobe, c’est tajima.

Y’a un consortium du bœuf de Kobe. Des bons Japonais traditionnels qui estampillent la bête. Chaque bête est strictement répertoriée. Aux dernières nouvelles, y’en avait moins de 4000. C’est pas lerche, faut admettre. En tous cas, pas assez pour exporter massivement. Ben oui, disent les marketeurs, c’est pour ça que c’est cher.

Après, y’a un truc, un truc que j’ai vu, de mes yeux vu. C’est la préparation du bovin. C’est pas tout d’avoir la race, les champs (pas trop grands les champs, on est au Japon) et le climat. Faut savoir masser la bête. C’est surprenant. L’éleveur (petit éleveur, 4 ou 5 bœufs, guère plus), tous les jours, il masse les bœufs à la bière. Faut avoir vu ça, le mec qui s’enquille des gorgées de bière japonaise, et les souffle sur le bœuf pendant qu’il le masse. C’est ce massage particulier qui donne le persillé de la viande. Il fallait ce traitement pour avoir droit à l’appellation « bœuf de Kobe », jadis. Bon aujourd’hui, on colle la bière dans l’abreuvoir. Tout ceci est expliqué sur le site des producteurs de bœuf de Kobe (http://www.kobe-niku.jp/englishtop.html), même qu’ils disent que le massage est en voie de disparition. Dommage ! L’explication est simple : moins d’exploitations et plus importantes. Mais les mecs, ils ont remplacé par une attention totale à la génétique.

Là, où l’escroquerie apparaît, c’est quand tu vas sur l’onglet « Exported beef » du site. On te donne, au kilo près, les quantités de boeuf de Kobé exporté. Facile à vérifier. Pour les USA, 850 kilos en 2013. Mieux qu’en 2012 où on plafonnait à 130 kilos Et pour l’Europe ? RIEN. NOTHING. NIENTE. NICHTS. NADA ….

Rien. L’Europe n’a pas importé un seul kilo de bœuf de Kobe. Et donc, si, en Europe, un mec te facture au prix fort du bœuf de Kobe, file vite à la pharmacie du coin acheter de la vaseline. Ça soulage….

Mais comment est-ce possible ? Cherche pas et regarde une carte. Où est le pays anglo-saxon le plus proche du Japon (c’est simple, depuis Fachoda au moins, quand il y a une entourloupe, le mec parle anglais). L’Australie. Ces mecs qui ne se sont jamais remis de la toise que mon vieux Robert Caillou leur a filé en 1953 à Melbourne, ont monté une escroquerie qui s’appelle Australian Wagyu Association. Pas compliqué. Le bœuf de Kobe est contrôlé, pas les autres. Donc, tu achètes du bétail au Japon, c’est du wagyu. Comme le Kobe, voir ci-dessus. Tu l’élèves façon extensif et tu le vends à ces cons d’Européens en leur disant que le Kobe étant du wagyu, le wagyu c’est du Kobe. C’est le principe de la fausse équivalence qui est devenu une des règles du commerce, une bête application de la théorie des ensembles. C’est comme ça qu’un boucher a voulu me vendre du jambon de Bayonne pour de l’Ibaïona Comme il m’a dit « Ibaïona, ça veut dire Bayonne ». Et wagyu veut dire Kobe.

Les communicants, ils adorent. Ils te vendent du wagyu mais c’est toi qui vas dire Kobe, eux ils ont rien dit. Plus exactement rien écrit. Ils t’ont raconté, ils ont approximé. Les communicants adorent l’à-peu-près alors que la communication n’est que précision. Dans un autre domaine, j’ai connu un TO qui te vendait un vapeur offert par la Reine Victoria alors que le chantier affirmait qu’il avait été lancé en 1926. Vu d’aujourd’hui, c’est pareil, on n’est pas à trente ans près.

Après, on va me dire que je suis un pisse-froid.. Peut-être. Mais me faire baiser sur l’Aberdeen (voir http://rchabaud.blogspot.fr/2013/01/etre-pris-pour-un-con.html) , puis sur le Kobe par des mecs qui, en plus, ont pourri le rugby et détruisent le marché du vin, ça me gonfle grave…..

On n’a pas fini d’en reparler…

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