mardi 30 juillet 2013

COCHON ET GEOPOLITIQUE

Après mon petit texte sur la Dehesa, la discussion s’est poursuivie. Notamment avec Vincent Pousson dont j’aime bien le savoir, même si je lui reproche parfois de trop simplifier. Il met toujours en avant un paramètre qui lui semble fondamental (le cépage par exemple) et il a tendance à négliger les autres. OK, c’est la règle des blogs, on n’est pas là pour faire avancer la science. Quoique… Ce désir de chercher la petite bête me vient d’une fréquentation trop assidue des bistros. Au comptoir, y’a toujours un mec pour t’asséner des vérités univoques, le mec qui a toujours UNE solution à UN problème. C’est pas comme ça que ça marche.

Prends le cochon. Y’a deux groupes. Les anglo-saxons, bien gros, bien mafflus et bien roses que l’éleveur industriel adore. Et les pas nets, un peu roses et noirs, plus sveltes. Ceux-là, ils sont majoritairement sudistes, basque, gascon, ibérique. Classique opposition nord-sud. Vincent me donne une information platonicienne que je vous livre : le gros anglais produit moins de gras que le sudiste qui semble plus maigre. Faut y penser quand tu mates le verrat : c’est le plus gros qui produit le moins de gras, encore le coup de la caverne. Pas faire confiance aux sens.

En général, le nordiste, il est élevé en stabulation et le sudiste en liberté. Ça, c’est politique. Le Britannique, il a subi les enclosures, c’est à dire la suppression des pâturages communaux. Et donc, plus question de laisser le pourceau en liberté. Le cochon gascon gambade sous les chênes, le british reste à la maison. L’anglais Darwin vous le dira : conditions écologiques différentes égale évolutions différentes. Le sudiste grossit moins vu qu’en liberté faut garder une certaine mobilité, pour échapper aux prédateurs par exemple. Il grossit moins mais engraisse plus à cause de son régime alimentaire, plus varié et plus riche. L’anglais enfermé grossit plus mais engraisse moins.

Petit rappel politique : certains auteurs voient dans le mouvement des enclosures l’un des points de départ de l’appropriation des moyens de production, caractéristique du capitalisme. D’où le titre…

L’industrie porcine aime le cochon anglais. Facile à stabuler, ne nécessitant pas d’espace et produisant peu de gras, car, affirme Vincent, la grande distribution n’aime pas le gras, considéré comme un déchet. Le gras, on le jette.

Parenthèse culinaire : la viande de cochon est sèche. Plus elle est maigre, plus elle est sèche, surtout à la cuisson. Faut un peu de gras pour la rendre moelleuse. Mais la grande distribution se fout de la gastronomie, sauf quand il faut payer Ducasse ou Veyrat (tiens, lui, il a un nom de cochon). Et la grande distribution est aidée par les médicastres, surtout Américains, en lutte contre le gras, censé boucher nos artères. Quand on leur prouve le contraire, ils parlent de « French paradox ». Petit rappel linguistique : être paradoxal, c’est s’opposer à l’opinion commune, la doxa, ce qui signifie qu’aux yeux des Américains, c’est leur opinion qui est commune, les autres, c’est caca. Mais ça, on le savait.

Et voilà que les deux évolutions se rejoignent. Une race créée à l’origine du capitalisme devient indispensable au développement de ce même capitalisme. Alors que la race liée à la propriété commune des biens de production se trouve hors de ce jeu. Sauf pour les nantis du capitalisme qui ont les moyens de manger du Jabugo et laissent le Madrange aux pauvres. Le Madrange, c’est pour rappeler Veyrat, vous croyez quoi ?

La leçon, c’est qu’on ne peut rien faire face à l’idéologie. L’idéologie, c’est simplement l’enfilage de stéréotypes sans aucune valeur scientifique, ce que les communicants font très bien et permettent à chacun de croire que le porc est une viande de mauvaise qualité ou que les épinards contiennent du fer. Je suis pas exempt de la chose. Je m’efforce mais bon, y’a des trucs que tout le monde croit et que je crois aussi. Quand un spécialiste me met le nez dans mon caca, j’ai envie de l’embrasser. Apprendre, c’est mon côté humain.

Heureusement qu’il y a des riches pour permettre au pata negra de survivre. Ceux qui savent se marrent de voir payer ce prix-là des produits tellement basiques et même, des fois, de voir des margoulins vendre pour du bon de la camelote bien marketée…

Ben voilà. Y’a des margoulins, des fois, c’est quasiment des Robins des Bois. Sans M’Pokora. Qui lui, vu le prix des places, est plutôt côté sheriff de Nottingham…. La vie est bien compliquée…

On en reparlera…

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