samedi 7 février 2015

TOP CHEF : L’ARROGANCE ET LES REVES

« Nous serons des briseurs de rêves et on nous détestera pour ça ».

J’ai écrit cette phrase, il y a plus de dix ans. Et je n’en ai tiré aucune leçon. Ça vient de me revenir en boomerang à deux reprises. Un vieux copain vient de me dire que « mon arrogance était insupportable ». Après trente ans, il est temps de s’en apercevoir.

Mais, plus fort encore, après un débat sur Internet où j’ai échangé avec un type que j’aime bien, le modérateur vient de le remercier pour sa contribution. La mienne est occultée.

De quoi s’agit il ? D’un débat sur le chocolat et la cuisine. Mon interlocuteur affirme qu’avec de la technologie on peut compenser ses insuffisances. Il est honnête : il dit, pas tout à fait.

Bien entendu, je ne suis pas d’accord. Pour avoir vu travailler de grands chefs, pour avoir même travaillé avec eux, je sais tout le poids du talent et surtout des habitudes acquises à l’école hôtelière ou pendant l’apprentissage. Ce savoir-faire, rien ne peut le remplacer.

Je ne prends d’exemples que dans le réel et il n’est pas question de moi, sauf pour admettre que je n’ai aucun talent culinaire. Il n’y a aucune arrogance, mes exemples me dévalorisent au contraire.

Mais nos positions sont inconciliables. Lui donne des arguments pour que tout un chacun puisse rêver de devenir un grand chef pâtissier. Il suffit d’acheter une sonde thermique et une plaque à induction contrôlée électroniquement, plus quelques autres gadgets que j’ai oubliés.
A contrario, j’affirme qu’on ne peut accéder à l’excellence qu’au prix d’heures de travail et d’acquisitions de connaissances. Et que torcher un bon repas pour dix copains, ce n’est pas envoyer un service de cent couverts.

Il exalte le rêve quand je le détruis. J’ai déjà parlé de cette tendance à se survaloriser tout en dévalorisant le travail des autres, surtout s’ils sont professionnels. Elle est générale chez les diplômés de l’enseignement supérieur qui ne veulent pas admettre que le titulaire d’un CAP peut être meilleur qu’eux. Où est l’arrogance ? Chez moi ?

Mais voilà, ils veulent préserver leurs rêves et ils sont de gros consommateurs. Alors, on leur laisse croire qu’un texte sur liseuse électronique vaut autant qu’une originale sur grand papier ou qu’un échange sur Facebook remplace quelques mois d’études.

On va au plus simple, au plus facile à partager. Et je déteste la simplicité qui maquille le réel. C’était pareil hier soir chez Taddéi. Chacun avait SA raison qui était l’explication ultime. Dire que le réel était composé d’un peu toutes ces raisons, essayer de discriminer, de jauger (qui n’est pas juger) aurait rendu le débat académique et, pour tout dire, chiant.

Mais, putain ! quand on a la chance de savoir, on a le devoir de partager. Hé bien ! non. Il vaut mieux enfiler les sandales de Top Chef et dire à tout un chacun qu’il est le meilleur, meilleur qu’un chef reconnu, au point de passer à la télé, dernière médaille aisément accessible.

Tout ceci pour permettre à tout un chacun d’accéder à des produits ou des services compatibles avec son budget. Baisser l’exigence pour augmenter la consommation. Dire à un bon amateur qu'il est meilleur qu'un professionnel. Heureusement qu'il reste la musique où le meilleur amateur n'arrivera jamais au niveau d'un virtuose.

C’est pas comme ça que ça marche. Il restera donc toujours des lieux, des produits d’exception. Rares, chers, connus de ceux qui ont des moyens ou la possibilité de se les offrir. C’est un marché. Elitiste. En fait, c’est ça le mot. Je ne suis pas arrogant, je suis élitiste.

Mais il est plus simple de dézinguer les élitistes que de se débarrasser d’une élite autoproclamée et destructrice, mais surtout bien cachée derrière les mots.

On en reparlera…

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