J’ai un petit problème. Un copain bien informé m’adresse à
l’Agence Départementale de l’Attractivité et du Développement Touristique.
Waouh ! C’est nouveau, ça vient de sortir ?
Non. C’est juste le nouveau nom du vieux Comité Départemental
de Tourisme. Analysons.
« Comité », ça fait vieillot. Comité des Fêtes,
Comité des Anciens, Comité des Sages. Ça fait vieillot à cause du
« Com », issu du Cum latin qui signifie « avec » et que la
novlangue éradique sans modération, préférant le négoce au commerce et
l’empathie à la compassion. Où va t-on si les citoyens se retrouvent
« avec » d‘autres citoyens. On dirait un attroupement, désormais
interdit, voire une manifestation. Seule la communication conserve le haut du
pavé mais c’est parce qu’elle a évacué la compréhension au profit de la recette
et a sacrifié la théorie à la pratique.
« Agence », ça vous a une autre gueule. On se
trouve immédiatement dans le monde de l’action, de l’agissement, voire de
l’agitation. Le comité évoque le club, l’agence la salle de sport. On ajoute
l’Attractivité bien connotée séduction, et le tour est joué. On baigne dans le
pléonasme, vu que si tu séduis pas, le tourisme va mal. L’attractivité
touristique est une obligation.
Sauf que…. Il faut aller jusqu’au bout.
Voici trente ans, mon ami Manfred m’invite à déjeuner à
Munich. Il voulait quelques infos sur l’Espagne. C’était assez simple. Il avait
décidé de créer une filiale à sa boîte d’édition. Et il pensait à l’Espagne
pour l’installer. Pourquoi ? Parce qu’il était convaincu qu’à salaire égal,
la vie en Espagne séduirait les jeunes gens de qualité qui y trouveraient un
meilleur niveau de vie et un environnement attrayant. Les informations
touristiques étaient insuffisantes, par exemple sur les lignes aériennes ou sur
l’enseignement. Mais aussi sur les imprimeries. En bon Allemand, Manfred
pensait à la Catalogne et à la Costa Brava. Il me fallut de la conviction et
pas mal de boulot pour que la Biscaye l’emporte.
Le tourisme, ce n’est pas un graphique avec des nuitées d‘hôtel.
C’est beaucoup plus vaste, beaucoup plus large et, au bout du compte, ça
devient l’image du territoire, cette image qui finira par attirer les retraités
et bouleverser la pression foncière. L’attractivité n’est pas seulement
touristique et elle n’est pas toujours suscitée par le tourisme. C’est un
ensemble culturel où rien n’est isolé, où rien n’est suffisant, même si tout
est nécessaire.
Il faudra que les responsables touristiques changent leur
logiciel : le tourisme est une activité culturelle et, à ce titre, son
analyse économique relève du processus de Longue Traine : son impact
relève d‘une accumulation de raisons uniques qui, additionnées, ont un poids
supérieur à celui des généralités. Pour le dire simplement, on ne choisit pas le
Pays basque pour ses plages : il y a plusieurs milliers de plages dans le
monde qui offrent les mêmes avantages et souvent à un prix plus intéressant.
Mais, si l’on ajoute le patrimoine architectural, la gastronomie, la culture,
on crée une différence. Chaque touriste a sa raison pour venir et il importe de
la connaître et de l’analyser car les raisons non culturelles varient. Ainsi du
surf dont Biarritz dans les années 1960 était la capitale atlantique. De
Lacanau à Mundaka ou Nazaré, la couronne s’est effritée et il y a désormais
plus de locaux sur les vagues basques que d’allochtones. En revanche, que sait
on des touristes affligés d’une pathologie médicale et rassurés par la présence
d’un hôpital de bonne qualité où leur carte Vitale est acceptée sans barguigner ?
Mais oui, un hôpital peut être un atout touristique… Tout comme un garagiste.
N’oublions pas que les premiers guides Michelin listaient les concessionnaires
avant les restaurants étoilés. Le confort est un élément de l’attractivité.
Et, par voie de conséquence, je m’interroge sur le bien
fondé du syntagme « attractivité et développement touristiques ».
C’est une mauvaise formule car elle déconnecte le tourisme de la vie. Une
« agence pour l’attractivité » serait bien suffisante et elle impliquerait
de facto le développement. Avec, bien entendu, la participation de la CCI car
l‘attractivité, ça marche aussi pour les entreprises, y compris les entreprises
non touristiques. Comme ça marche pour l’enseignement. S’il est tranquille pour
les études de ses enfants, le cadre se délocalise joyeusement. Nos offices de
tourisme ont quelques difficultés à assurer l’accueil de citoyens locuteurs de
langues « rares » comme le russe ou le chinois. Langues qui peuvent
servir également à des cadres commerciaux ou à des ingénieurs. Qu’on ne me dise
pas d‘un air méprisant qu’il s’agit de « niches ». Je me suis trouvé,
voici un an, seul Français au milieu d’une volée de Russes dans un restaurant
de la Chambre d’Amour. La carte Gold ne faisait pas de tourisme , croyez moi……
Juste un autre exemple. Qui connait Ornitholidays ? Agence de voyages britanniques qui, depuis plus de 50 ans organise des voyages d'observation des oiseaux. Quand je les ai connus, ils avaient un programme Orgambideska-Migration en Soule qui a disparu de leur catalogue. Vu les prix pratiqués, ce ne sont pas des voyages pour écolos désargentés, l'Espagne centrale vaut aussi cher que le Kenya. C'est l'exemple typique d'un segment de clientèle qui ne pèse pas sur le pays par son nombre, mais qui aide à l'attractivité. Pourquoi sont ils partis ? Comment les faire revenir ?
L’Agence a conscience de l'importance de sa mission. Elle a un département pour
accueillir les tournages car elle sait l’effet démultiplicateur d‘un film sur
l’attractivité. Dany Boon a sauvé le Nord, on ne le dira jamais assez.
L’attractivité passe par l’unicité. On va dans un lieu perçu
comme unique et différent. Soleil et sable ne font pas de différence et ne plaisent qu’aux
voyagistes « industriels » qui amènent des milliers de voyageurs en
limant les marges des réceptifs.
Se vendre, c’est pas terrible. Se vendre au rabais, c’est
inacceptable.
On en reparlera…
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