On l’a déjà dit : depuis 1989, tous les politiques
occidentaux ont enlevé de leur boîte à outils, les outils du marxisme. A
commencer par la lutte des classes, rejetée (et c’est un comble) par le PCF,
par exemple.
Changer les mots ne change pas les choses. Qui ne voit pas
que la lutte des classes sous tend la plupart des mouvements sociaux
aujourd’hui. Les gilets jaunes, c’est le Tiers Etat qui revient. Appauvri,
méprisé, déclassé, en 2018 comme en 1789.
Elevés dans les berceaux cotonneux des formations paisibles,
les hommes et femmes politiques n’ont plus conscience de leur action. Ils
parlent de « ressenti ». Mais faire basculer la fiscalité d’une
classe sur une autre, supprimer l’ISF, gonfler le crédit impôt-recherche et
augmenter la CSG, ce n’est pas du ressenti. C’est un message direct à ceux que
le Président actuel traite d’illettrés comme son prédécesseur les qualifiait de
« sans-dents », un message qui affirme : vous ne comptez pas, en
tous cas, vous comptez moins que ceux qui vous dirigent.
L’oligarchie (et tous les députés en font partie) a presque
réussi à faire entrer dans la doxa ce mensonge majuscule : les
travailleurs n’ont aucune place dans le système de production. En détruisant le
code du travail, le Président a envoyé un message fort : les travailleurs
ne comptent plus. Dans tous les cas, c’est ainsi qu’il a été compris. C’est la
première étape du mépris de classe.
Le reste va de soi et se mêle avec la surconsommation
réservée à ceux qui en ont les moyens, les niches fiscales réservées aux chiens
de garde du gouvernement, tout un ensemble de règles qui, toutes profitent aux
mêmes. Si ce n’est pas une opposition, classe contre classe, qu’est ce ?
Les vieux qui se sont frottés à Marx le savent bien. La clef
est dans la redistribution. Quand la plus value se répartit inégalement, les
tensions se créent. Les citoyens peuvent tout supporter, sauf l’inégalité.
Surtout quand elle est affichée, glorifiée, encensée. Il est caricatural qu’au
plein des Gilets Jaunes surgisse l’affaire Ghosn. Les citoyens horrifiés
attendent que le gouvernement, actionnaire de référence de Renault depuis la
Libération, réagisse, d’autant qu’il y a peu, le Président s’affichait avec
Carlos dans une usine du groupe. RIEN. Pas un mot. Il semble normal ou à tout
le moins accepté qu’un chef d’entreprise puisse être honteusement sur-rémunéré,
fraude le fisc, tape dans la caisse pour ses besoins personnels.
Face à cette situation, le Président se tait, choisissant de
facto son camp. Mais le Président ne croit pas à la lutte des classes. Je ne
suis pas sûr qu’il sache ce qu’est une classe sociale. Pendant ce temps, le ton
des réseaux sociaux change. Je ne peux pas résister à cette citation d’Alain
Simon : « Dans la mesure
où une classe sociale n'est pas solidaire de l'ensemble des citoyens, qu'elle
se goinfre sans retenue, qu'elle vole le fisc honteusement, si elle est prête à
s'expatrier plutôt que de supporter sa charge sociale, si elle se sent
apatride, nous n'en avons plus besoin.
Un corps mort doit être dégagé du corps social, comme une peau morte... »
Un corps mort doit être dégagé du corps social, comme une peau morte... »
On revient à la définition d’Etienne
de Silhouette : « Dans un royaume bien conduit, le fort supporte le
faible ». C’est pourtant simple, sauf quand le fort ne se sent pas les
épaules et préfère voir le faible crever. C’est la définition même de la lutte des
classes car le faible a conscience de sa faiblesse mais aussi, très vite, de
son nombre. Les tensions sociales débouchent sur les tensions politiques. Les
appels à la raison sont inutiles et inefficaces, l’affect prend le pouvoir avec
le désir de survie d’un côté et l’immonde cupidité de l’autre.
La lutte des classes n’a qu’un
inconvénient. C’est le faible qui gagne, en général. Mais les moyens de gagner
sont nombreux et divers.. et la plupart des auteurs ne se sont pas intéressés
au résultat, connu d’avance, mais à la manière de l’obtenir, puis de le gérer.
Le plus célèbre texte de Lénine est titré : Que faire ?
Il est donc plus simple de ne pas en
tenir compte, quitte à se retrouver
devant une situation bloquée où l’oligarchie va chercher à conforter un pouvoir
moribond en manipulant un peuple en manque d’instruments de réflexion. Quand tous croient au pouvoir de
la parole pour annuler le réel.
Oubliant que la seule parole est
celle qui affirme que le roi est nu.
On en reparlera…
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