lundi 7 mars 2011

REPARLONS DE LA CHINE

Ça faisait longtemps. Le prétexte, évidemment, c’est que l’économie chinoise vient de dépasser le Japon. En fait, c’est pas un scoop. La seule chose qu’on savait pas, c’est quand ça arriverait. Pareil pour la première place. Suffit d’attendre.

Grand article dans Libération. Libération qui fait semblant de découvrir que l’économie chinoise est nationalisée. Libération qui sourit quand un haut responsable affirme que ce résultat n’a été possible que grâce à la conduite éclairée du Parti Communiste. Ho ! corrige aussitôt l’auteur de l’article, il va y avoir des problèmes sociaux. C’est vrai ça : pour un journal de gauche, admettre qu’un capitalisme d’Etat puisse mieux fonctionner qu’un capitalisme libéral, c’est dur à avaler. Admettre qu’un Parti Communiste puisse mieux réussir que les entreprises capitalistes, c’est potion amère. Alors, prédisons un avenir sombre. Ça relativise le présent.

Mouais. On n’en est pas là. Aujourd’hui, la vérité, c’est qu’il y a trente sociétés chinoises dans les leaders mondiaux et que vingt-neuf sont des sociétés nationalisées. Dirigées par des membres du PCC qui rendent compte au Comité central. La vérité, c’est que 90% du territoire chinois appartient à l’Etat. Un Etat qui contrôle le foncier et le financier, c’est pas vraiment un Etat libéral. Ça fait un moment que les lecteurs de ce blog le savent. Pas un scoop.

Eh ! c’est pas ça qu’on a vu à la télé. Ben non. Quand t’es journaliste et que ta rédaction te demande un sujet sur l’économie chinoise, tu fais quoi ? Tu sais très bien que les hiérarques communistes, ils vont pas te recevoir. Alors, tu te rabats sur les sempiternels sujets des privés qui ont réussi ou sur les hommes d’affaires français qui travaillent avec les Chinois. T’as ton sujet. Il ne rend compte de rien mais c’est pas grave. T’as fait tes trois, dix ou trente minutes. Le rédac’ chef est content. Et puis, ça va dans le sens de l’idéologie dominante. Autrefois, fallait pas désespérer Billancourt. Aujourd’hui, faut pas désespérer Wall Street.

Sans compter que la responsabilité de nos élites est lourde. Tiens, le Salon de l’Agriculture vient de fermer. On a eu droit aux marronniers habituels sur la crise de l’agriculture. Y’a déjà un changement. Autrefois, on parlait de l’agriculture française, aujourd’hui on parle de l’agriculture européenne. Pour manipuler les chiffres, c’est plus facile. La seule nouveauté, c’est la petite Saporta qui dit que des trucs justes mais qu’on va vite oublier.

La réalité, simple, c’est que la part de l’alimentation dans le budget est passée de 50% à 15% en cinquante ans. On peut se branler sur les pourcentages, y’en a qui disent 14 et d’autres 16. Mais la tendance, lourde, est là. Or, nous ne bouffons pas moins. Et nous bouffons plus chic : des mangues, des kiwis et des ananas, en veux tu en voilà. Et donc, nous donnons moins de fric à nos agriculteurs. En fait, le gouvernement, il trouve ça plutôt bien. Ça augmente le pouvoir d’achat. Tu payes moins cher les patates, t’as plus de fric pour ton IPod ou ta Dacia. Faut pas se demander pourquoi le pouvoir, gauche et droite confondues, il aime la grande distribution et les transports. Ça te donne du pouvoir d’achat sans qu’il ait à bouger une oreille. Le gouvernement ne fait rien et tu vis mieux. Pour l’instant. Pour l’instant, parce qu’un jour, il faut payer (on en a déjà parlé http://rchabaud.blogspot.com/2011/01/la-mondialisation-cest-du-pipeau.html ). En attendant, on va rajouter six tonnes aux gros culs qui pourrissent les routes, gros culs conduits par des esclaves polonais pour que ça pèse moins sur le prix de ta boîte de petits pois.

Le circuit, on le connaît. Le distributeur achète ses petits pois en Chine. Dans le meilleur des cas, il les met en boîte dans le Lot-et-Garonne (comme ça la mention d’emballage est bien française, le petit pois a acquis sa nationalité). Des fois, on passe par des pays moins regardants, l’Italie par exemple. Ça permet de mettre « produit de l’UE », et passez muscade ! Dans ce système, le seul paysan français qui puisse survivre, c’est le gros producteur. Si t’as pas 2000 cochons, le distributeur, il te connaît pas. C’est un classique processus de concentration. Et pour conserver le pouvoir d’achat, t’es sûr que la barre va monter et qu’un jour, même avec 5000 cochons, le paysan qui a joué le jeu, il sera évincé.

Remarque, c’est pas sûr. Le petit pois ou le tilapia chinois , il faut bien le transporter. Et ça coûte. Pas trop pour l’instant, vu que les containers fabriqués par les Chinois, sont transportés sur des lignes chinoises et arrivent dans des ports contrôlés par le gouvernement chinois ( voir http://rchabaud.blogspot.com/2010/10/je-serais-marseillais.html ). Le risque, c’est que, quand ça sera trop cher, ça sera aussi trop tard.

Y’a plus qu’à attendre. Les gouvernements, ils ont déjà l’excuse : la montée des prix du pétrole. Remarque, ça fait trente ans que des scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme. Des scientifiques mais aussi des économistes : qui se souvient du Club de Rome ? Trente ans qu’on sait que le pétrole va s’épuiser et que c’est con de développer un modèle économique sur un produit qui va disparaître. Quand ça arrivera, les journalistes qui ont la mémoire aussi courte que les politiques vont s’étonner. Après moi, le déluge.

La question qui va se poser, qui devrait se poser, c’est : comment revenir en arrière ? Pour le pouvoir d’achat, je veux dire. Parce que, là aussi, ça va coincer. On a déjà des frémissements, mais c’est rien à côté de ce qui nous attend. La bouffe, c’est essentiel. Tu peux pas t’en passer, bonne ou mauvaise, artisanale ou industrielle. Les cadors nous disent que si l’importation est trop chère, on relocalisera. Certes. Mais ça fera pas baisser les prix et ça plombera le pouvoir d’achat. De toutes façons. Allons nous connaître des émeutes de la faim en Europe ?

C’est chiant la réalité. Heureusement, il nous reste le virtuel.

On en reparlera…

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