Oui.. C’est une langue magnifique. La mienne. Pas seulement.
Près de 70 ans que je la.. hurle, murmure, chuchote, chante, psalmodie. Je ne
l’ai jamais parlée. La parler était la déconstruire et elle valait mieux. Elle
valait mieux aussi que les mots de Duteil, ce Maurice Carême des temps actuels.
Duteil a rencontré le bonheur des institutrices nubiles qui pouvaient faire
bramer les gosses sur de simplissimes harmonies et des rimes alternées. Il fait
rimer « harpe » avec « Contrescarpe », ça va bien,
trop bien, trop poli pour être honnête. J’aurais préféré « escarpe »,
l’assassin que tous, de Céline à Hugo, associent à l’homme politique.
Mais tous ceux qui bêlent Duteil et ses mièvreries (Duteil
n’est que bêlable, tant pis pour lui, c’est son choix) s’empressent d’oublier
la langue, pour la trousser, la violer, la détruire, la laisser pantelante au bord du chemin.
La chanson est de 1985 et elle fut un succès. Il fallut
attendre près de dix ans (1994) pour qu’une loi, la loi Toubon, vienne dresser
un mur entre la langue et ses violeurs. Pas plus tôt sortie que vidée de son
sens par les bandeurs mous du Conseil constitutionnel, bande de salopards
bardés de médailles se moquant de la France comme de leur première chaudepisse.
La presse les appelle « les sages ». Et que disent les sages ?
Que la liberté d‘expression inscrite dans la Déclaration des
Droits de l’Homme interdisait
qu’on légifère sur la terminologie utilisée par des personnes de droit privé
dans le cadre de leur activité. Le sens de cela, nous le vivons tous les jours.
Au nom de son droit d‘expression ma voisine décérébrée et vendeuse de pizze peut
inscrire en gros « Snacking » sur sa devanture. Sa liberté consiste à
m’infliger quotidiennement un mot d’anglo-américain brutal et vulgaire qui me
blesse profondément.
Il est où Yves Duteil ? Il est où Jacques Toubon ?
Ils sont où les bêleurs de Duteil ? L’indécrottable Pivot et les 40
râleurs de l’Institut ? Quant aux juristes stipendiés qui s’’empressent
d‘oublier que le français est la langue de la République pour ouvrir la porte à
un code qui m’exclut, je peux les maudire jusqu’à la treizième génération.
Parce que le « snacking » de la marchande de
galettes napolitaines, c’est ça : un mot qui m’exclut de ma communauté
nationale. Comme bien d’autres qui viennent consteller les textes auxquels je
ne comprends plus rien. Ce que les vieux birbes du conseil constitutionnel
appellent liberté d‘expression n’est autre que la liberté de m’exclure. Parce
que la langue, c’est ça : un code qu’on partage. Ou pas.
Avec la polémique sur l’enseignement de l’arabe, on n’a pas
fini de sodomiser les diptères.. Evidemment qu’on a piqué plein de mots à
l’arabe, ceux dont on avait besoin : algorithme, alambic, alcool, houri,
salamalec…. Comme on en a piqué à toutes les langues voisines voire lointaines.
La mousmé de Carco est simplement une musumé japonaise. S’échanger des mots n’a
aucun sens et surtout pas celui d’une supériorité d’une langue sur l’autre.
Demandez aux Québécois.. On défend pas une langue en bêlant
avec les agneaux. On la défend avec une réglementation et/ou en disant que
Grévisse a force de loi. Il y faut un peu de coercition.
Il faut surtout accepter que les modifications sont toujours
signe d‘exclusion des locuteurs non consentants. Moi. Moi qu’on pousse à
l’extérieur de ma langue en chantant du Yves Duteil. Il me souvient d‘une
conversation avec une instit’ débutante à qui j’expliquais que le travail
qu’elle faisait sur les syllabes avec des gosses de trois ans était la première
marche pour apprendre les principes de la prosodie. Plus tard. Et que si les
bases n’étaient pas assurées, l’alexandrin boiterait. Dans ses yeux clairs, je
lisais « Vieux con » aussi nettement que le symbole du dollar dans
les yeux de Picsou.
C’est comme ça que neuf jeunes sur dix sont incapables de
lire et comprendre un jugement ou un texte de loi alors qu’ils maîtrisent le
snacking ou le roaming. Leurs enseignants, leurs parents, ont fait l’impasse
sur le français classique et certains ont conclu à l’urgence de simplifier un
vocabulaire qui est déjà bien simple..
Ce n’est pas grave. Duteil ou pas, le français crève avec la
complicité ceux qui devraient le
maintenir en vie. Toubon n’a servi à rien. Comme défenseur des droits, il ne me
paraît pas beaucoup plus efficace.
Du moins, la liberté d’expression est elle garantie.
Wesh, Brother ! c’et le bon trip !!
P.S. : Pizze, c'est le pluriel de pizza, en italien normal. La connasse, elle respecte pas le français, ni l'italien. Mais sa liberté d'expression, fautive, est assurée
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire