Nous vivons dans un monde d’imbéciles. Tous s’excitent sur
les prénoms dont Zemmour a voulu faire simplement un exemple. La question posée
n’est pas celle des prénoms, c’est celle de la volonté d’intégration.
Marié deux fois, j’ai eu deux beaux-pères. Le premier avait
quitté l’Italie dans les années 1930 pour cause d’incompatibilité avec le Duce.
En arrivant en France, il changeât son prénom de Mario pour celui de Maurice,
puis pour faire bonne mesure, il remplaçât le I final de son nom par un Y qui
sentait, à ses yeux, plus le Sussex que l’Emilie.
Le second était né Français à Sidi Aich, village de la
Petite Kabylie. Enseignant de philosophie, ses élèves l’ont toujours connu sous
le prénom de Bernard qu’il jugeait plus compatible avec Platon que le Hamid
d’origine.
Il faut bien admettre que le prénom est un marqueur culturel
fort. Quand je suis arrivé à Paris, le mien avait la signification de benêt.
Peut être sous l‘influence des Bidochon, un Raymond désignait un brave con.
Remarquons toutefois qu’il y a plus de Raymond au sud de la Garonne qu’entre
Sambre et Meuse. Parce que la marque culturelle commence par une marque
territoriale. Elle l’a bien compris, la jeune femme qui fait le buzz autour de
son prénom. Sans la voir, son prénom la désigne comme africaine. Qu’elle en
fasse donc porter la responsabilité à ses parents, Zemmour n’y est pour rien.
En suivant cette querelle d‘une oreille distraite, je
pensais au remarquable écrivain qu’est Richard Millet, cloué au pilori pour
avoir déclaré : « Quand à la troisième génération, on en est encore à
Mohammed, l‘intégration est compromise ».
Car le nœud du problème est là. Le prénom est la première
marque d‘intégration. Ici, au Pays basque, la déferlante des prénoms locaux a
suivi les revendications éducatives et politiques es années 1970. Dans ce cas
précis, il s’agissait d’un refus d’intégration ou d’une volonté d’intégration
dans un contexte social et territorial détaché de la République.
Mais, me disent mes copains, tu veux couper les gens de
leurs racines. Moi ? Non. En déménageant, ce sont leurs parents qui les
ont coupés de leurs racines. Sans pour autant les planter ailleurs. C’est une
vision qu’on peut ne pas approuver. Mon pays devient une sorte de prestataire
de services. Services sociaux, ça va sans dire, mais aussi employeur,
éducateur, que sais-je encore ? Que lui donne t’on en échange ?
Comment se marque le rapport entre le territoire et l’individu accueilli ?
Ce bon François Morel développe une litanie bien incomplète
de prénoms connotés exogènes. Il aurait du ajouter Algirdas Greimas ou Julia
Kristeva voire Pablo Picasso. Tous ces « étrangers » qui ont renforcé
la culture française. Pour faire bonne mesure, il cite des chanteurs de raï ou
de rap qui n’ont aucunement amélioré mon développement culturel. Mais, quoiqu’il
en ait, il ne peut faire que sa liste ne soit anorexique et que mettre tous ces
noms face à la marée migratoire ne peut provoquer qu’un haussement d‘épaules et
la réponse « C’est tout ? Y’a que ça ? ».
Ben oui. Y’a que ça. Même en rajoutant quelques industriels
comme Mohand Altrad, l’apport reste minime. Même en rajoutant ceux qui, comme
Ionesco ou Finkielkraut, avaient un prénom quasi-franchouilard, y’a que ça.
L’Histoire fera le tri.
A Rome, vis comme les Romains, disait un proverbe bien
oublié mais qui avait le mérite d’identifier le lieu et la culture. Et oui,
l’accueil, à la base, c‘est de demander à l’accueilli de choisir. Il a choisi
la France, qu’il se coule donc dans le moule.
Mais c’est dégueulasse ! Non. Ionesco a choisi d’écrire
en français, tout comme Greimas dont le premier travail a été la composition
d‘un dictionnaire d’ancien français. Ha ! on est bien loin des rappeurs
des cités.
Oui. Je parle de gens qui avaient choisi, en toute
connaissance de cause, qui avaient
choisi la France, sa langue, sa culture, de gens qui ont échangé avec nous.
Parce que s’intégrer, c’est échanger, pas imposer.
Même pas un prénom.
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