C’est Benoit qui me communique le mot : gynocentré.
Nous vivrions dans une société gynocentrée. Immédiatement, je pense à
Leroy-Ladurie qui, à propos des Pyrénées ariégeoises utilise le mot
« adamocratique » qu’il préfère au trop connoté « phallocratique ».
Par parenthèse, il remplace « esprit de clocher » par « esprit
campaniliste », plus chantant, plus goûteux.
Après, je vais chercher. Plein d’auteurs ont parlé de
sociétés gynocentrées, mais l’analyse me semble douteuse. Glissements
sémantiques… Pour certains, la société basque fait partie des sociétés
gynocentrées. Les arguments sont ridicules et se limitent à mettre en évidence
des traits matriarcaux. Il est exact qu’en de nombreuses occurrences, les
femmes basques savent se saisir du pouvoir. La question est : pour en
faire quoi ?
Le matriarcat est tout simplement un changement de mains,
pas un glissement social. De la Veuve Cliquot à Marie Brizard, nombreuses
furent les femmes qui se saisirent du pouvoir dans les entreprises et, partant,
dans les familles. Le matriarcat du XIXème siècle s’accommodait fort bien de
l’adamocratie. Le plus souvent, les fonctionnements sociaux et économiques
n’étaient pas menacés. Les femmes au pouvoir étaient avant tout des
représentantes de leur classe et se comportaient comme des hommes ou, si l‘on
préfère, comme leurs maris ou leurs frères. Une société matriarcale n’est pas
une société gynocentrée. C’est une société où les femmes se comportent comme
des hommes.
Un société gynocentrée est plutôt une société où changent les
perspectives et les priorités. Prenons un seul exemple : l’homosexualité.
Dans une société gynocentrée, on considère que les pédérastes sont des hommes
comme les autres hommes et les lesbiennes des femmes comme les autres femmes,
tandis que les sociétés adamocratiques les considèrent comme des êtres à part.
On peut en discuter encore que les aventures sexuelles avec des individus du
même sexe sont rarement vecteur de procréation. Or, pour les sociétés
adamocratiques, une démographie galopante est signe de bonne santé, de
puissance. Les sociétés adamocratiques sont généralement des sociétés
guerrières, consommatrices d‘individus, des sociétés qui privilégient les
actions de mort, la défense dans le meilleur des cas mais aussi l’attaque, la
conquête des terres ou des femmes. Rome à ses débuts, enlève les Sabines. Mais
c’est un viol ! Institutionnalisé, ce qui relativise.
Soyons clair. Les sociétés adamocratiques acceptent
l’homosexualité, surtout chez les militaires. César mais aussi Hadrien ou le
grand Condé, pour prendre des exemples connus. Les militaires sont dans le bon
camp, le camp de ceux qui donnent la mort. Surtout s’ils donnent aussi le
change comme le Grand Condé qui fut marié avec une jouvencelle de 13 ans.
Les sociétés gynocentrées se donnent bonne conscience
juridique avec un arsenal législatif le plus souvent axé sur le pardon. Ce sont
des sociétés de mères qui ont du mal à punir, à punir vraiment et
définitivement, des sociétés de l’excuse et du pardon, des sociétés aussi de la
compréhension, voire de la rédemption.
En fait, on n’en sait rien. Les sociétés matriarcales sont
mises en doute par de nombreux chercheurs et, souvent, les arguments volent
bas. Quant aux sociétés gynocentrées, on n’en connaît aucun exemple, sauf, peut
être la société occidentale actuelle qui n’est pas encore aboutie. Bien
entendu, il existe des sociétés qui n’obéissent pas aux canons du patriarcat
traditionnel, comme les Murias ou les Mossos, mais la différence porte
essentiellement sur la vie sexuelle et l’éducation des enfants, éducation
souvent avunculaire. Toutefois, les ethnologues prêtent peu d’attention au
poids des guerriers et au seul vrai pouvoir qui est le pouvoir d’éliminer
l’autre.
Nos sociétés européennes sont structurées selon le
triptyque : guerrier-religieux-laboureur. Celui qui travaille, celui qui
prie, celui qui tue. Cela ne laisse pas grande place aux femmes, sauf au
couvent et à la cuisine, car il est implicitement entendu que la prière de
l’homme a une supériorité « naturelle » ; les premiers monastères
étaient masculins. Mais ce détail relevé, il est indéniable que le pouvoir
(politique, social) est le pouvoir de celui qui tue.
Ce que l’on appelé le Progrès ou la Civilisation n’est rien
d‘autre qu’un incessant combat contre le pouvoir de tuer. A tout le moins, le pouvoir de tuer
ouvertement. On peut librement tuer avec de la pollution, des produits
chimiques, dès lors qu’il s’agit d‘un massacre collectif. Mais l’assassinat
singulier a disparu, y compris au niveau de l’Etat, avec la suppression de la peine de mort.
Peut être est ce mieux. La question est : que devient
le pouvoir lorsque quelqu’un se saisit à nouveau du droit de tuer ? Change
t’il de mains ? Change t’il de nature ? C’est l’une des questions
posées par le terrorisme. Or, il me semble que ce rapport à la mort est la
pierre de touche de la structuration des sociétés et que ce qu’on appelle une
société gynocentrée n’est rien d‘autre qu’une société refusant de donner la
mort. Refusant de surveiller et punir. Par définition, refuser la mort de
l’Autre revient à accepter que l’Autre puisse se saisir de ce pouvoir. Il est
angélique d’imaginer un monde où personne ne se saisira d’un pouvoir tombé en
déshérence. Mais l’éducation ? Ouais, si on a le temps. Et si l’Autre
l’accepte, c’est à dire s’il a les mêmes structures mentales que toi. Dans le
cas contraire, c’est foutu. Tu as perdu.
Même Marx avait accepté l’idée qu’on vivait dans un monde
darwinien où le faible est condamné. Le faible, c’est celui qui ne peut pas
survivre. Et celui qui ne peut pas changer les règles. La force fonde le droit.
Pas la peine de dire que c’est mal, c’est simplement une constatation. Jadis, c’était
un grand coup d’épée dans la gueule. Aujourd’hui, c’est un lobbyiste qui glisse
une enveloppe. Mais c’est pareil. La loi s’adapte aux puissants. Vas y. Hurle
que c’est en train de changer.
C’est ton désir… Le réel est plus solide…
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