dimanche 21 avril 2019

LE PEUPLE ET L'EMPHASE

Le paysage était plat comme Mérimée.

C’est de Victor Hugo. Et ça donne à penser. Totor n’écrivait pas plat. Totor écrivait pour le peuple et le peuple aime l’emphase. Le peuple aime la redondance, l’éxubérance, les mots qu’il ignore et les sentiments qu’il cultive. Quand tu écris pour le peuple, tu dois gonfler, souffler, pompiériser. Tu n’as pas le doit de retenir tes larmes, ça doit couler brutal, magnifier le sentiment, faut du visible, de l’immédiat, du grandiloquent, même dans l'insignifiance. Goooooooaaaaalllll!

Le peuple ignore la litote, le second degré, le sous-entendu, la finesse, l’indirect. Dans tous les domaines. Il préfère les concerts à  décibels aux mesures pianissimos et adore se regrouper dans les stades pour que ses hurlements portent mieux. Il a délaissé le sfumato pour l’acrylique.. Et, bien entendu, il vibre aux dentelles du gothique, restant indifférent à la pureté romane.

Les goûts du peuple n’illustrent pas un statut social ou économique. Il n’y a pas de cours de Bourse pour la pudeur, la dignité, la retenue alors que l’emphase se quantifie et fait coller le fond à la forme. La postérité ne s‘y trompe pas qui adule Hugo et ignore Vigny. Parce qu’en nos temps de communicants imbéciles « Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse », n’exprime rien, non plus que « souffre et meurs sans parler », phrase incompréhensible à un peuple qui souffre peu, refuse la mort mais ne cesse de babiller.

Cette emphase, cette boursouflure de l’âme portée par l’enflure des mots et des actes, elle est partout dans un pays qui s’émerveille de voir qu’un artiste américain lui offre un insipide bouquet de tulipes de 10 mètres de haut. Les fleurs sont aussi intéressantes, formellement, qu’une applique Belle Epoque, mais leur taille devient seule une justification artistique. Comme pour les hamburgers.

L’incendie de Notre-Dame a provoqué une flambée emphatique, Président, Ministres et commentateurs de tout poil se gargarisent de mots comme de clichés, la calcination du chêne bénit conduisant à la communion et à l’unité nationale par ailleurs déchirée comme le bliaut de Quasimodo et qu’il faudra bien ravauder. Au perron de la Cathédrale se pressent les donateurs, aumônière à la main, comptant béatement les écus qu’ils font sonner afin que nul n’en ignore. L'emphase est vulgaire.

Du moins, dans cette vomissure de banalités et de stéréotypes, constatons nous que notre peuple aime son patrimoine que les gouvernements négligent. Il faut bien qu’ils l’aiment puisqu’ils l’ignorent. Histoire mutilée à l’école, histoire de l’art étouffée dans les manuels, vocabulaire artistique désappris ou terriblement anorexique, de quels outils disposent ils pour s’exprimer ?

Comment faire mieux que le Monsieur Patrimoine étatique, Stéphane Bern en larmes auquel je rappellerai (encore) un vers de Vigny : « Gémir, pleurer, prier, est également lâche ». Au lieu que de le faire mépriser, ses larmes le font aimer.


T’as le bonjour d’Alfred…..

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