Mon premier compliment… La dame, elle a un joli prénom qui
fleure le Couvent des Oiseaux…Un joli nom également qui évoque la tendre
Normandie… On se frite gentiment parce qu’on n’a pas la même conception de la
bouffe…. Elle me reprend : elle ne bouffe pas, elle dine… OK… Et après,
elle doit déféquer et non pas chier. Elle mis sa distinction dans son
vocabulaire… Elle finit par rendre les armes et me complimenter : je suis
un Bérurier.
Quelle joie !!! Béru, c’est la France, ma France, ce
pays qui boit du Pommard dans des verres en Arcopal sur des toiles cirées.
Parce que le pinard, c’est fait pour boire, pas pour en parler avec des mots
sucrés. D’ailleurs, Béru, qui est fin linguiste, ne boit pas les grands crus.
Il les lichetrogne. Et après, il sort son grand mouchoir dégueulasse pour
s’essuyer la bouche. Et c’est bien ainsi. Béru est fils du grand Rabelais. La
dame doit préférer des auteurs plus délicats mais moins stylistes.
Béru, quand c’est bon, il bouffe, il éructe. Parfois, il
gerbe. Mais il y retourne. Il sauce ses assiettes, il met les doigts, il baigne
dans le bonheur le plus simple, celui de l’excès quand il est partagé. Raison
pour laquelle j’ai toujours aimé Béru, Berthe la Baleine et leur goût pour les
tripes, la tête de veau et le gâteau de foies blonds. La table est le lieu de
la Grande Bouffe (faut faire culturel parfois) qui n’est autre que la Haute
Bouffe. Le papa de Béru était le meilleur ami de Paul Bocuse qui n’était pas seulement un
cuisinier de génie mais un maître de l’Histoire. Le papa de Béru était un
maître de la langue. Respect.
Béru me renvoie chez ma marraine, Tante Marie, où le respect
de la nourriture confinait à la dévotion cléricale. La préparation d’un repas
dominical prenait deux à trois jours. Les légumes venaient du jardin ou du
jardin voisin. Aucun produit ne parcourait plus de dix kilomètres, à
l’exception de la vanille et autres suppléments exogènes. C’était toujours
pareil ; entrées froides, entrées chaudes, poisson, viande et/ou volaille,
salade, fromage, desserts. Si je calais, l’interrogation anxieuse :
« Ça va pas Mounou, tu es malade ? » En fait, je calais jamais.
J’étais jeune, il est vrai…
Tante Marie, elle m’a appris Escoffier et Alexandre Dumas.
Elle ignorait qui ils étaient mais elle savait les recettes. Son rôti de boeuf
sauce madère aurait fait pleurer le papa de d’Artagnan. Quant aux ris de veau….
Tante Marie distinguait. Elle mitonnait des garbures à tomber par terre mais
c’était « pour tous les jours ». Les repas de fêtes jouaient dans une
autre catégorie. La différence était dans l’assiette, pas dans les mots.
Un grand cuisinier, c’est ça. J’en connais peu, de ces gens
capables de tisser des liens entre Brillat-Savarin et moi. Alain Darroze s’il
voulait bien sortir de son régionalisme exacerbé. Christian Parra. Alain Pégouret qui cuisine
des salicornes (tellement tendance !! avec des assiettes dressées façon
Palais de Tokyo) mais capable de faire un oreiller de la Belle Aurore de 20
kilos. Pour moi, Bérurier, mais aussi pour Frédéric Dard, je sais bien ce qui
compte. J’imagine les fumets qui s’échappent quand le couteau ouvre la pâte de
la Belle Aurore. L’Histoire devient odeur. C’est rare.
Pour rester à aujourd’hui, je dirais que je condamne De Rugy
pour ça. Instantanément je le compare au Président Herriot, le chantre de
l’andouillette. Ce con a éliminé l’andouillette, les gras doubles et les petits oiseaux flambés pour des
homards même pas cuisinés ( Mediapart a oublié l’essentiel : la recette).
Ce con utilise une histoire, la cuisine française, mais élimine la cuisine,
celle du mitonné, du nappé, du complexe au profit d’une simplicité ridicule. Il
est vrai que sa nana ne ressemble pas à Berthe Bérurier et, à mon avis, ça
compte. Elle bouffe comme elle écrit. Pour Gala.
Elle n’est pas la seule.
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