mercredi 17 juillet 2019

LE CAMP DES SAINTS

1972…. Je viens d’ouvrir ma librairie, entièrement dédiée à la connaissance du monde, des autres peuples, des autres civilisations. J’ouvre des portes.

1972… Jean Raspail publie Le Camp des Saints, le premier livre à prévoir la destruction de notre civilisation par son engloutissement. Je regimbe, je m’oppose. Je ne suis pas dans le camp de Raspail. D’ailleurs, mes copains me le disent. Raspail est un « faf ». Pas moi.

Cinquante ans après. Je me suis planté.

Je me suis planté parce que je croyais à la valeur du savoir. Pour un libraire, c’est normal. Je ne voyais pas, tapi dans les cerveaux, le poids de la compassion et autres merdes divergentes., ces insupportables neuronophages qui détruisent le savoir au nom de pseudo-valeurs humanistes.

Je me suis planté parce que je ne me croyais pas enviable. J’avais des copains partout dans le monde, y compris dans le monde musulman. On était copains, on échangeait, on cherchait à se rapprocher, à partager une vision du monde. Angélisme ! Les fils de mes copains ne veulent pas partager une vision, ils veulent partager le monde.

Je me suis planté parce que je vivais ailleurs. Paris ne te donne pas le sens des valeurs. C’est un no man’s land, un lieu qui n’est à personne… Et donc à tout le monde. Tu n’as pas envie de protéger Paris.

Je me suis planté. Aujourd’hui, les fils de mes copains se drapent dans le drapeau algérien pour hurler « Nique la France » devant la caméra. Je me découvre, fils haï d’un territoire haï.

Les temps ont changé. Désormais, je suis une cible. J’ai encore quelques copains pour me dire qu’il ne faut pas généraliser, que quatre voyous sur Internet ne font pas un tsunami. La différence, c’est que je n’ai plus envie de les croire. La différence, c’est que, maintenant, j’ai peur.

Mon vieux JP croit me ramener à la raison en me disant que nous avons une responsabilité : nous sommes allés en Algérie. Ben non. Quand les troupes françaises débarquent, l’Algérie est une colonie de la Sublime Porte. Nous ne sommes pas allés en Algérie, mais en Turquie. Nous avons amenés l’Algérie à un point où elle a pu devenir indépendante et je ne me sens pas coupable de quoi que ce soit. Au contraire. Il me suffit d’imaginer l’Algérie, aujourd’hui, dirigée par Erdogan.

J’ai detesté Raspail, j’ai refusé de vendre son livre. J’ai eu tort.

Qui me saura gré de cet aveu ?




1 commentaire:

  1. Moi !
    Du haut de mes trente ans de moins... Pour tout un tas de raisons...

    Et puis, très rares sont les seniors actuels (de ceux nés dès l'immédiat après-45 et jusqu'en '60) ayant sincèrement les burnes de méditer intimement (sans tricher en s'arrangeant avec quelques facilités de conscience héritées du diktat médiatico-culturel ou du révisionnisme historique universitaire) aussi, témoigner publiquement leur mea culpa - et ainsi reconnaître plus ou moins que dans tout ce marasme idéologique que furent les décennies 60 & 70, plus que des idéalistes: les jeunes de ce temps-là furent avant tout d'inoffensifs et serviles pigeons (puis, par la suite, non plus des pigeons mais des maquereaux mamon-iens serviles...classique et pathétique déchéance du "civilisé" contribuable... :)) - ce qui t'honore : puisque tu reconnais avoir été un jeune en proie aux influences (médiocres) typiques de la mentalité socio-culturelle des classes moyennes supérieures (cf. de la bourgeoisie, quoi).

    Finalement, ta vie est loin d'être un échec... C'est maintenant atteint son dernier acte que tu deviens un homme libre. C'est très bien ! La banqueroute te sied comme un gant, elle "léautaudise" l'âme de ton propos, donc elle achève de t'accomplir en tant qu'écrivain...

    Sinon, en soi, le livre de Raspail n'est pas d'un style fracassant mais, de par sa solide dimension scénariste: qu'est-ce qu'il est quand même largement plus bandant que toutes les daubes de ce rayon "anticipation" qu'affectionnent tant les geeks et autres blaireaux de l'an 2020...

    Hé hé hé... Les mots sont de la "merde". Oh, pas que... Ils sont aussi une lame tranchante. Occire les brèles humanistes, décapiter les marqueteurs des propagandes de tous horizons (obscurs)... C'est enivrant ! Plus tu les crèves page après page, plus leur karma réel refoule la merde qu'ils sont dans la dimension physique. Des cohortes, que dis-je : des peuplades entières de maudits "bienheureux"... Y en a drôlement du matos disponible pour portraiturer finement la connerie... Sinon, la dualité inévitable Saint Michel / Satan reste le must des méthodes applicables de guerre psychologique... Le lecteur qui ne veut pas lire parce qu'il laisse avant tout sa fainéantise être facilement flattée par le on-dit doxien... Faut le balancer par-dessus bord... Une seule sentence possible envers la mollesse cérébrale et son Veau d'or émotionnel : l'annihilation. :-)

    Je n'ai pas encore pris la route. Je sais qu'en août, tu es normalement tenu à des obligations, auquel cas : je passerai plus tard, probablement à l'automne. J'occupe mes journées à lire un peu, écouter beaucoup de musique Noire, boire du pinard et fumer des clopes, laisser vaguer mes cogitations... En fait, j'ai la chance de vivre de vraies vacances...
    C'est Cioran qui a amplement raison : "Dieu aime les nuls, Il préfère toujours les ratés"...


    P.H.

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