Mon cher neveu,
Oui, je me suis énervé hier. La soirée était douce, le
soleil déclinait et la salade de tomates de ta mère confinait à l’anthologie.
C’était bien jusqu’à ce que tu exprimes ton plaisir à manger « des
ribs ». Là, j’ai pété les plombs.
En une phrase, tu venais de faire exploser cette quiétude
familiale. Nous n’avions plus rien à partager et tu exprimais crûment cette
vérité : ton refus de nous parler. Tu n’avais rien à voir avec nous qui
mangions des travers de porc, ces travers que notre lieu nomme
« coustons ».
La langue, mon cher neveu, est ce qui nous lie. Ce code que
nous pouvons partager. Tes ribs signifiaient ton rejet de ce partage, ton désir
d’’extranéité. Si nous n’avons plus la langue en commun, que nous restera
t’il ?
Tu voulais exprimer quoi ? J’ai mangé des ribs chez les
trumpocompatibles alors que tu n’étais pas né. J’ai utilisé l’anglais lorsque
j’ai organisé des colloques que j’ouvrais par un discours, non pas en anglais,
mais en globish, sorte de pidgin que peuvent comprendre les boutiquiers
ghanéens et les commerciaux népalais et que tu crois être de l'anglais alors que tu ne peux pas lire Shakespeare dans le texte
Mais là, sous les pins que le vent atlantique ployait avec
grâce, ce ribs sonnait avec une vulgarité dont tu n’avais pas la moindre idée.
Il ne te valorisait pas, il t’enfermait dans l’immonde cohorte de ceux qui
croient que le vocabulaire des employés de Disney ou des fayots de Zuckerberg
est une singularisation.
Nous aurions pu décider de parler anglais lors de ce dîner.
Nous aurions pu décider d’abandonner notre langue française qui nous offre tant
de possibilités, tant de subtilités et de références. Nous ne l’avons pas fait
parce que nous sommes unis par la langue. Ton ribs, petit con, venait détruire
cette union. Ton ribs nous disait ton désir de singularité que rien, ni ton
cursus scolaire, ni ton travail, ne justifie. Tu ne veux pas être avec
nous ? Exprime le plus clairement. Dis le. Même si tu ne possèdes pas les subtilités et les références.
Oui, le vieil oncle est un ringard qui appelle coustons,
comme beaucoup de vieux régionalistes, ce que les influenceurs merdiques appellent des ribs.
Le vieil oncle t’a vu ensuite améliorer la compréhension inutile de Minecraft
chez un petit cousin qui a mieux à apprendre. Le vieil oncle a souri en
comprenant que tu avais rejoint le bataillon de ceux qui détestent la langue,
l’Histoire et veulent dissoudre la famille dans la bouillie épistémologique des
cohortes vidéastes. Tu as enseigné sur Minecraft parce que tu es incapable de
parler sur Rabelais.
Tu es mon neveu. Je t’aime mais tu ne sauras jamais à quel
point je te méprise. Ce n’est pas incompatible
C’est ce que tu voulais…. Bouffe des ribs et masturbe toi
avec un vocabulaire qui n’est pas le mien. En t’écoutant, finalement, j’étais
fier d’être un vieux con. Ton vrai tonton, c’est pas moi, c’est Zuckerberg. C'est ton choix. J'ai le droit de le déplorer.
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