Je vais encore me faire un gros tas d’ennemis. On est en
plein dans les Fêtes de Bayonne et, grâce à Fesse de Bouc, je baigne dans les
conneries et les idées fausses.
Les Fêtes de Bayonne ne sont pas du tout traditionnelles.
Elles sont la forme nouvelle d’une vieille tradition carnavalesque. J’explique.
Au départ les fêtes traditionnelles sont le 2 mars, jour de
la Fête de Saint Léon. Elles sont organisées par l’évêque avec messes,
processions et pétales de roses. Pour être franc, on se fait copieusement
chier. D’autant que l’évêque, les bistros ouverts toute la nuit, c’est pas trop
sa tasse de thé. Ceci est juste une expression littéraire, vu que les bistros
bayonnais du temps, ils pillaient pas les entrepôts de Lipton.
Et donc, une bande de joyeux drilles, dans les années 1930,
créent des fêtes laïques. Et ils adoptent un modèle vieux comme Rabelais, le
modèle du Carnaval où on inverse les valeurs.
Un exemple ? L’évêque, il faisait chanter l’antique
cantique de Saint Léon : « O Léon, patron de Bayonne… ». On crée
un cantique laïque autour de Léon, vendeur à la maison Velten et qui a la
réputation d’un benêt. Il devient le « roi de Bayonne et des
couillons ». Comprendre : le roi de tous ceux qui croient en Dieu et
ses saints. Faire la fête est un acte politique que le Carnaval adoube en
inversant les valeurs. D’emblée, le déguisement devient une obligation, surtout
s’il vient renforcer l’inversion des valeurs ; les garçons s’habillent en
filles et vice versa. L’ouvrier se
déguise en bourgeois. La musique envahit les rues. La fête d’hiver avait lieu
en période de Carême, la fête d’été est une orgie de nourriture et de boissons.
Rabelais a pris le pouvoir (relisez Bakhtine, il est très précis sur la chose).
En toute logique, les festivités épiscopales s’étiolent.
Mais il faut un peu organiser la bacchanale estivale ce à quoi vont s’occuper
pratiquement tous les maires. Souvenez vous des Pottoroak : « De
notre maire, on est content, il veille sur nous comme une maman ».
Mais organiser le carnaval, c’est aller contre son ADN. Au
début, l’aide est peu visible : les ateliers municipaux abritent la
construction des chars du Corso, on installe des estrades pour les musiciens
histoire de fixer un peu la foule. Les Fêtes ont du succès, l’emprise du Maire
se justifie pour des raisons d’hygiène et de sécurité. D’autant que les Grenet,
père et fils, préfèrent que leur peuple se déchaine dans les rues plutôt que
dans les urnes.
Après… après, une communication subtile imposera une tenue
unique, interdisant de facto les déguisements. Le Roi Léon deviendra une
marionnette qui se réveille le matin à la Mairie, sur invitation sélective qui
marque l’appropriation du Carnaval par la bourgeoisie politique triomphante. La
musique enregistrée est omniprésente et Beyoncé que connaissent les
septentrionaux se fait plus entendre que la musique locale, vu que les nouveaux
carnavaliers ne parlent pas nos langues.
Après…après, les Fêtes sont devenus payantes, sauf pour les
Bayonnais, oubliant les peuplades voisines qui les ont irriguées pendant
cinquante ans de leur culture et qui méritent de ce fait la gratuité. On aurait
pu doubler le prix pour les septentrionaux qui ont de toutes façons un budget
transport-hébergement. On ne peut plus « nourrir les muges » de la
Nive et il faut des campagnes anti-viol alors que fut un temps où tous étaient
connus et personne n’ouvrait librement sa braguette.
Pour le dire simplement, la tradition culturelle
carnavalesque s’estompe. A vouloir en faire un événement universel, les Fêtes
ont perdu leur dimension territoriale. Certaines tentatives sont pathétiques
comme la réalisation des cabezudos où se côtoient Michou Padrones, icône
bayonnaise inoubliable et Didier Deschamps dont on se demande ce qu’il fait
dans un Carnaval. Dans la logique carnavalesque, il fallait caricaturer le
Maire pour bien marquer le temps où le respect est dans l‘influence. Ou, à tout
le moins, l’Adjoint à la Culture, heureux d’une reconnaissance méritée quoique tardive.
C’est ça le Carnaval.
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