vendredi 26 juillet 2019

CARNAVAL D’ÉTÉ



Je vais encore me faire un gros tas d’ennemis. On est en plein dans les Fêtes de Bayonne et, grâce à Fesse de Bouc, je baigne dans les conneries et les idées fausses.

Les Fêtes de Bayonne ne sont pas du tout traditionnelles. Elles sont la forme nouvelle d’une vieille tradition carnavalesque. J’explique.

Au départ les fêtes traditionnelles sont le 2 mars, jour de la Fête de Saint Léon. Elles sont organisées par l’évêque avec messes, processions et pétales de roses. Pour être franc, on se fait copieusement chier. D’autant que l’évêque, les bistros ouverts toute la nuit, c’est pas trop sa tasse de thé. Ceci est juste une expression littéraire, vu que les bistros bayonnais du temps, ils pillaient pas les entrepôts de Lipton.

Et donc, une bande de joyeux drilles, dans les années 1930, créent des fêtes laïques. Et ils adoptent un modèle vieux comme Rabelais, le modèle du Carnaval où on inverse les valeurs.

Un exemple ? L’évêque, il faisait chanter l’antique cantique de Saint Léon : « O Léon, patron de Bayonne… ». On crée un cantique laïque autour de Léon, vendeur à la maison Velten et qui a la réputation d’un benêt. Il devient le « roi de Bayonne et des couillons ». Comprendre : le roi de tous ceux qui croient en Dieu et ses saints. Faire la fête est un acte politique que le Carnaval adoube en inversant les valeurs. D’emblée, le déguisement devient une obligation, surtout s’il vient renforcer l’inversion des valeurs ; les garçons s’habillent en filles et vice  versa. L’ouvrier se déguise en bourgeois. La musique envahit les rues. La fête d’hiver avait lieu en période de Carême, la fête d’été est une orgie de nourriture et de boissons. Rabelais a pris le pouvoir (relisez Bakhtine, il est très précis sur la chose).

En toute logique, les festivités épiscopales s’étiolent. Mais il faut un peu organiser la bacchanale estivale ce à quoi vont s’occuper pratiquement tous les maires. Souvenez vous des Pottoroak : « De notre maire, on est content, il veille sur nous comme une maman ».

Mais organiser le carnaval, c’est aller contre son ADN. Au début, l’aide est peu visible : les ateliers municipaux abritent la construction des chars du Corso, on installe des estrades pour les musiciens histoire de fixer un peu la foule. Les Fêtes ont du succès, l’emprise du Maire se justifie pour des raisons d’hygiène et de sécurité. D’autant que les Grenet, père et fils, préfèrent que leur peuple se déchaine dans les rues plutôt que dans les urnes.

Après… après, une communication subtile imposera une tenue unique, interdisant de facto les déguisements. Le Roi Léon deviendra une marionnette qui se réveille le matin à la Mairie, sur invitation sélective qui marque l’appropriation du Carnaval par la bourgeoisie politique triomphante. La musique enregistrée est omniprésente et Beyoncé que connaissent les septentrionaux se fait plus entendre que la musique locale, vu que les nouveaux carnavaliers ne parlent pas nos langues.

Après…après, les Fêtes sont devenus payantes, sauf pour les Bayonnais, oubliant les peuplades voisines qui les ont irriguées pendant cinquante ans de leur culture et qui méritent de ce fait la gratuité. On aurait pu doubler le prix pour les septentrionaux qui ont de toutes façons un budget transport-hébergement. On ne peut plus « nourrir les muges » de la Nive et il faut des campagnes anti-viol alors que fut un temps où tous étaient connus et personne n’ouvrait librement sa braguette.

Pour le dire simplement, la tradition culturelle carnavalesque s’estompe. A vouloir en faire un événement universel, les Fêtes ont perdu leur dimension territoriale. Certaines tentatives sont pathétiques comme la réalisation des cabezudos où se côtoient Michou Padrones, icône bayonnaise inoubliable et Didier Deschamps dont on se demande ce qu’il fait dans un Carnaval. Dans la logique carnavalesque, il fallait caricaturer le Maire pour bien marquer le temps où le respect est dans l‘influence. Ou, à tout le moins, l’Adjoint à la Culture, heureux d’une reconnaissance méritée quoique tardive.


C’est ça le Carnaval.

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