lundi 20 septembre 2010

LES HERETIQUES

C’est drôle, y’a un truc que peu de commentateurs ont relevé. Bernard Lewis nous explique que, dans la langue arabe, le mot « hérétique » n’existe pas. Par voie de conséquence, la notion de schisme est inconnue.

L’Islam serait-il monolithique ? Non, bien entendu. Mais toutes les interprétations se valent. L’imam de Gennevilliers vaut autant que le mufti de Bagdad. C’est qu’il n’y a pas d’autorité suprême. Personne ne peut s’arroger le droit d’affirmer que son interprétation est la bonne. Tu peux interpréter les sourates comme tu veux.

Les catholiques, c’est pas possible. Ça fait vingt siècles que l’évêque de Rome, il tranche. Si tu dis pas comme lui, il t’excommunie. En clair, il te vire de la communauté des croyants. Tu deviens hérétique, schismatique. Si tu veux exister dans l’Eglise, t’as pas le choix : faut créer ton Eglise à toi. Certains s’en sont pas privés : Henri VIII ou Luther. Mais l’Eglise catholique fonctionne comme une armée, bien pyramidale, je ne veux voir qu’une seule tête.

C’est la seule. Il n’y a pas de pape protestant, juif, musulman ou bouddhiste. Personne pour excommunier et exclure. Personne pour décider que le bon Evangile, c’est celui-là et que l’autre, le vilain, il est « apocryphe ». Au bûcher, l’apocryphe.

Les protestants, ils fonctionnent comme les musulmans. Le petit pasteur du sud américain profond, il vaut tout autant que tous les autres pasteurs. S’il veut brûler des Corans, y’aura personne pour lui téléphoner et lui dire qu’il est viré. Il ne rend de compte qu’à Dieu, ce qui est vachement pratique parce qu’on n’a jamais vu Dieu contredire personne.

Autant dire que les religions, c’est le bordel. Sauf la religion catholique, bien entendu. Mais les autres, tu y trouves tout ce que tu veux. Y’a que des mecs en prise directe avec Dieu. Bon, tu comprends bien que, plus ils sont en prise directe, plus ils ont raison. Les autres les traitent d’extrémistes ou d’intégristes, mais il faut bien qu’ils fassent avec. Alors, ils font avec. Ils déplorent, ils s’excusent, ils argutient, mais ça reste « leurs frères ».

Nous, on du mal à comprendre : le recteur de la Mosquée de Paris est pas d’accord avec l’imam de Petaouchnok. Pour nous, élevés au biberon catholique, ça veut dire que l’imam de Petaouchnok a tort. Ben non. Ça veut juste dire que deux religieux discutent d’une interprétation. Deux religieux qui se valent. Ouah, l’autre ! Le recteur de la Mosquée de Paris, quand il cause, y’a plus de monde devant lui que devant l’imam de Petaouchnok. Certes, jeune niais, mais ce monde, c’est que des hommes. Ça compte pas. Ce qui compte, c’est Dieu. Or, Dieu, y’en a qu’un et les deux religieux lui causent pareil. Egalité. On appelle ça la théologie.

Quand ça touche à la politique, ça va plus du tout. Alors, le gouvernement il aide à créer des Conseils représentatifs, histoire de n’avoir qu’un interlocuteur. La presse se félicite. Ce que ne dit pas la presse, c’est que ça ne compte pas. Les Conseils représentatifs, ils n’ont aucun pouvoir. Ils peuvent juste faire du bruit avec la bouche. Aucun religieux ne dépend d’eux. C’est des autorités « morales », comme on dit.

C’est bien pratique. T’as toujours un pasteur, un imam ou un rabbin qui va être d’accord avec toi. Celui-là, tu le sors, tu le mets en lumière, tu le cites, tu l’interviouves. T’es vachement content. Mais, au bout du bout, t’as changé quoi ? Rien. Le pasteur, l’imam ou le rabbin qui pense le contraire, il continue à penser le contraire et il est tout aussi légitime que ton copain. Et ses fidèles, ceux qui t’emmerdent, ils le savent et ils savent que cette légitimité les rend légitimes. On n’a pas fini de discuter.

Prends la burqa. Y’a des religieux, ils pensent qu’un petit foulard, c’est bien suffisant. Ils ont raison. Mais, y’en a d’autres, ils pensent qu’il faut le truc intégral avec la moustiquaire devant les yeux. Et ils ont raison aussi. Devant Dieu. Toi, le petit catholique, comment tu tranches ?

Chez les catholiques, c’est vachement mieux. T’as un Pape qui dit : « Finalement, le nazisme, c’est pas si mal ». Aussitôt, tout le monde mets le petit doigt sur la couture du pantalon. Presque tout le monde. Des fois, y’a des voix discordantes. Tu connais Monseigneur Vansteenberghe ? C’était un évêque. Un peu Flamand, mais évêque quand même. Quand les Allemands sont arrivés en France, il a fait un truc curieux pour un évêque. Tous les dimanches, il montait en chaire et il condamnait les Barbares. Il passait son temps à chercher les textes autorisés et à les retourner contre les Nazis. Il avait planqué dans son évêché tous les livres sacrés de la synagogue locale. Vu que c’était pas dans le droit fil de la pensée vaticane, la Kommandatur locale a demandé son rappel à Rome. Qu’on le nomme évêque d’ailleurs, d’un bled paumé en Numidie. Et le Vatican a obtempéré. Vansteenberghe, il a eu le bon goût de faire une crise cardiaque ce qui a réglé le problème. Il est allé causer direct à Dieu. On lui en demandait pas plus.

Des discordants, y’en a eu. Mais ils se faisaient tout petits, tout discrets. Même en 45 quand il a fallu planquer et exfiltrer les dignitaires du Reich. Ça fait un demi-siècle que les catholiques, ils exhument les discordants pour se refaire une virginité. Ils ont du mal. A cause de la discrétion.

Si on continue à appliquer notre schéma catholique aux autres religions, on a pas fini de rien comprendre. Surtout les politiques vu qu’à l’ENA, y’a pas de cours de théologie. On n’apprend pas à causer à Dieu. C’est déjà assez dur avec la presse.

On en reparlera….

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